Homélie de Père Pascal – 4ème dimanche de l’Avent C (19/12/21) « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps (…) Me voici. »

2021-12-21T20:42:51+01:0021 décembre 2021|

Je pensais à une jeune journaliste amie, en lisant la Lettre aux Hébreux de la messe du 4ème dimanche de l’Avent. Ma petite Juju, que j’ai vu grandir et dont j’ai partagé quelques joies et peines, a franchi vendredi dernier une grande étape de sa jeune carrière avec la parution d’un article en très bonne place du quotidien national qui l’emploie. Après avoir interrogé beaucoup de français ordinaires pour des sujets de second plan, on a commencé à lui confier des sujets majeurs de l’actualité et elle peut enfin espérer interviewer une grande personnalité.
J’ai pensé à notre société saturée de récits, d’opinions et de témoignages, car la Bible nous livre dans la Lettre aux Hébreux le scoop indépassable, le sujet d’actualité brûlant, le reportage le plus extraordinaire possible : le témoignage du Fils éternel au moment de son grand plongeon dans notre humanité. « En entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps (…) Me voici » Par ces quelques mots du Christ, nous voici placé en haut du plus haut plongeoir, le tremplin d’où le Christ va plonger dans notre humanité, plongeant l’éternité dans le temps, l’Esprit dans la chair, la Toute Puissance dans la faiblesse, la divinité dans l’humanité. Oui, Dieu est capable de se mouiller. Pour cette descente la plus vertigineuse qu’on puisse imaginer, nous sommes placés à côté de Dieu le Père, et bien que son Fils soit aussi concentré qu’un champion de ski au départ de la fameuse descente de Kitzbühel, nous l’entendons faire une déclaration solennelle : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps (…) Me voici »
Quel reportage !
Si l’Église nous y fait assister quelques jours avant Noël, c’est parce que nous voyons à Noël ce qui s’est passé 9 mois auparavant. Ce petit être de chair sur la paille d’une crèche, fils d’une femme bien charnelle, marié à un homme de chair et d’os, celui que nous voyons, imaginons et touchons même dans l’eucharistie de Noël, a commencé sa vie charnelle neuf mois auparavant lors du grand plongeon de l’Annonciation.
C’est pourquoi la préparation de Noël passe par la contemplation du côté invisible de l’Annonciation. Saint Luc nous a déjà livré le reportage de l’Annonciation vue d’ici-bas : « l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée à une jeune fille vierge.»
Mais la Bible nous livre aussi le scoop, le récit exclusif de l’événement vu de là-haut avec l’interview des autres personnages, tous mentionnés par Gabriel : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Le Père éternel qui annonce à son Fils qu’il a préparé sa mission, en disant de Jean-Baptiste : « Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. »
Et le Fils qui constate que les efforts des hommes pour se sauver du malheur ont été vains. « Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ». Certes, il y a des offrandes intéressées qui cherchent à acheter la bienveillance de Dieu et des sacrifices inutiles de fanatiques écervelés. Mais les offrandes sincères et les sacrifices héroïques, même les justes offrandes et sacrifices n’ont pas sauvé l’homme du péché et de la mort. Alors, dans un retournement inimaginable, l’offrande la plus élevée, la plus spirituelle, celle qui nous sauvera, sera l’offrande de son corps par Jésus, son sacrifice sanglant sur l’autel de la Croix.
« Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps (…) Me voici. »
Alors que le Fils De Dieu s’apprête à « entrer dans le monde », au pied du plongeoir, tout en bas, Marie reçoit la visite de l’Ange et, à sa façon, va faire la même réponse que le Christ. Quand celui-ci répond à son Père : « Me voici, je suis venu faire ta volonté, comme il est écrit de moi dans le Livre. »
Marie répond à l’Ange : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
La preuve que Jésus fait la volonté de son Père, c’est qu’il accueille le corps qui sera désormais le sien. « Tu m’as formé un corps (…) Me voici. »
La preuve que Marie fait la volonté de Dieu, c’est qu’elle accueille le corps qui sera formé en elle.
« Tu vas concevoir et enfanter un fils. »
Jésus accueille son corps pour le livrer en sacrifice : « Ceci est mon corps, livré pour vous. » Marie offre son propre corps pour que se forme en elle le corps du Christ dont les premières cellules seront formées des cellules de sa mère. Noël, comme Pâques, nous aide à comprendre la place du corps dans le sauvetage de l’humanité et l’auteur du fameux chant d’Avent Venez Divin Messie l’a bien compris qui nous fait supplier en chantant : «Par votre corps donnez la joie à notre monde en désarroi. »
Alors que les guerres se gagnent lorsque deux théâtres se déroulent en symbiose, ne formant qu’un seul corps : le théâtre des politiques et des généraux qui décident en haut-lieu et le théâtre des opérations où se battent les soldats jusqu’au sacrifice, la messe du 4ème dimanche de l’Avent veut nous préparer à Noël en assistant à ces deux théâtres où s’est forgée la victoire sur le mal et la mort : en Haut-Lieu au sein de la Trinité, ici-bas dans la maison de Marie. Ainsi l’Ange pourra proclamer la victoire dès la nuit de Noël : « Aujourd’hui vous est né un sauveur. »
Et nos frères chrétiens d’Orient y voient déjà la victoire de la croix quand ils parlent de « la Pâque de Noël .»
Cette œuvre charnelle d’abord cachée à l’Annonciation puis rendue visible à Noël, cette œuvre corporelle est hautement spirituelle : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du TrèsHaut te prendra sous son ombre. »
Comme est hautement spirituel le sacrifice charnel du Christ qui, à l’heure de sa mort, s’exclame: « En tes mains, je remets mon esprit. »
Ainsi ferons-nous une œuvre spirituelle, un sacrifice agréable à Dieu, si nous accueillons de lui comme un don notre propre corps, c’est à dire notre vie concrète, notre histoire, notre hérédité lointaine, les grandeurs et les horreur de nos familles et nos nations comme les joies et les soucis du quotidien.
Imitons donc Jésus en remerciant à notre tour le Père : « Tu m’as formé un corps ; me voici, mon Dieu, pour faire ta volonté. »
Imitons donc Marie en disant à notre tour aux anges qui nous ont adressé les messages de Dieu : « Me voici, serviteur, servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Et pour mettre en œuvre cette volonté qui devient nôtre de faire la volonté de Dieu, pour tenir dans le combat spirituel, nous prendrons des forces ici-bas en recevant le Pain du Ciel, le Pain des Forts : « Ceci est mon corps, livré pour vous. »