Homélie XXIIIe dimanche – année C

2018-01-28T20:20:31+01:005 septembre 2016|

Mes chers frères et sœurs !

Dans la vie de l’Eglise, nous assistons à un fait  évident: c’est la baisse très sensible de la pratique religieuse. Même si je vois un renouveau spirituel et chrétien, surtout dans en France, notre pays qui, par son histoire, a touché le fond et qui ne peut que  renaître petit à petit de ses cendres…en l’espace de quelques années, la pratique religieuse varie, selon les régions de France, de 5% qui se disent chrétiens pratiquants à moins 1% selon que nous sommes comme Toulouse.  Mon curé des premières années de mon ministère pastoral disait que Toulouse, cette région « radicale-socialiste » fait partie des régions de France où la pratique religieuse est l’une des plus faible. Pour les non pratiquants, ceux qui ne s’intéressent pas à la vie de l’Eglise, ces données statistiques ne font ni chaud ni froid. D’ailleurs, certains même parmi les plus anticléricaux s’en réjouiront. Mais pour nous qui avons le souci de faire vivre le Corps du Christ qu’est l’Eglise, même si nous n’avons pas le syndrome des chiffres….ces statistiques nous  frustrent et  nous font souffrir.

Alors, nous aimerions mettre en place des  stratégies pour bien remplir de nouveau nos Eglises, faire le plein au catéchisme et à l’aumônerie, avoir plus d’enfants au scoutisme…Nous  y travaillons chaque jour. Mais ce dimanche, Jésus veut nous donner quelques éléments qui devront nous accompagner chaque jour, et en particulier pendant cette année pastorale que nous commençons. Il veut nous mettre en garde contre cette tentation de faire du chiffre à tout prix.

Suivre Jésus, aller à la messe, s’engager dans l’Eglise… est d’abord une question de liberté et d’adhésion personnelle. Même les enfants baptisés bébés grâce à la liberté et à la demande de leur parents, plus tard, ils  sont appelés à adhérer librement à la foi en Jésus grâce à l’éducation reçue des parents, dans le milieu familial et grâce à l’accompagnement des catéchistes et animateurs d’aumônerie, les responsables de l’éducation religieuse dans les paroisses, les écoles….Cette liberté se manifeste dans les étapes de la vie chrétienne telles que  la première communion ou l’eucharistie, la profession de Foi , la Confirmation, et des choix plus importants et radicaux comme le mariage ou la vie consacrée. Cette liberté  de choisir Jésus nécessite qu’on prenne suffisamment conscience des difficultés que comporte  une vie authentiquement chrétienne. Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus touche et met l’accent sur  ces difficultés pour que la liberté de le suivre ne se base pas sur un enthousiasme euphorique et superficiel…

Alors que nous entrons dans une année électorale pendant laquelle tous les prétendants au pouvoir, de manière tellement démagogique, vont nous promettre la lune, vont nous rabâcher leurs programmes auxquels ils ne croient même pas, nous promettant une France forte, apaisée, meilleure, pure, sécurisée, moderne, avec moins d’austérité, le plein emplois et moins de chômage, une France en marche, progressiste,  avec une immigration réduite et choisie,  un pays sans burkini, mais peut-être avec plus de bikini…. tous ces discours que nous entendons à longueur des  journées….juste parce qu’ils veulent notre vote pour monter dans les sondages, faire du chiffre à tout prix même s’il leur faut nous mentir sur ces programmes qu’ils abandonneront le lendemain de leur élection…. Jésus lui, nous dit qu’il ne fait pas campagne, qu’il ne joue pas le jeu de la démagogie. Il pose dès le départ les conditions très difficiles pour tous ceux qui veulent le suivre en affirmant que ce choix ne sera pas une partie de plaisir… On dirait même qu’il veuille décourager cette foule nombreuse et enthousiasme.

Précis, le ton grave, ferme et catégorique, Jésus nous redit, en s’adressant à cette foule nombreuse qui le suit, que nous ne pouvons pas être ses disciples si nous ne sommes pas capables de renoncer, de dire non à quelque chose qui nous tient à cœur. Etre disciple du Christ, c’est dire oui à Lui, et par conséquent renoncer à beaucoup d’autres choses, en particulier à trois réalités sans lesquelles nous nous sentons humainement fragile et pauvres : les liens familiaux et affectifs,  la gloire de la société et les biens matériels : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple ».

Pour être disciples du Christ, il n’y pas d’autre alternative. Il  nous faut considérer les liens affectifs et familiaux moins importants que l’Amour du Maître que nous suivons. Il nous faut accepter la logique de la Croix, c’est-à-dire celle d’être rejeté par la société. Il nous faut aussi renoncer à tous les avoirs, c’est-à-dire aux biens matériels. En écoutant tout ceci,  certains peuvent dire que Jésus est cruel. Dans ces quelques versets, Jésus nous donne des éléments qui doivent nous aider à construire son Eglise au sein de chaque communauté locale. Cela est un appel et une recommandation pour ceux veulent  former une communauté des disciples-missionnaires.

Par l’évangile de ce dimanche, Jésus veut combattre la logique sentimentale et affective qui nous caractérise parfois dans nos communautés paroissiales, celle des liens parentaux, celle de la clique, la bande des copains, du groupuscule des gens bien qui se retrouvent  souvent seulement parce qu’ils s’entendent bien entre eux. On ne peut construire une communauté chrétienne en se basant sur la logique des faveurs, des sentiments, des préférences. Je préfère ce prêtre à l’autre et je vais seulement à « sa messe », même s’il faut faire des dizaines des kilomètres pour cela… en laissant à côté de chez soi ce prêtre que je ne peux sentir parce que je ne l’aime pas et qui célèbre à mon goût des messes « protestantes », …. Ou alors, je m’engage dans un service, un mouvement, un groupe ecclésial seulement parce que je vais y rencontrer mes amis. La logique sentimentale et affective nous fait obtenir notre récompense dès ici-bas, comme nous le disait l’évangile de dimanche dernier.

Alors  que la réussite de la vie dans notre société se mesure au poids du compte en banque, la voiture que nous possédons, de l’image que nous donnons par la maison que nous habitons, même si nous n’en sommes que locataire, Jésus nous dit aujourd’hui que la réussite de notre vie comme disciple  se mesure à notre capacité à renoncer aux biens matériels, au pouvoir et aux relations affective. Pendant que ses disciples aspirent à prendre le pouvoir et voient en lui leader puissant qui prendra Jérusalem des mains des Romains, Jésus les appelle à entrer dans la logique de la croix, de la souffrance et du renoncement !

Alors, dans sa marche et avant d’arriver à Jérusalem, Jésus voudraient que les choses soient bien claires pour tous ses disciples. Il dit ouvertement  et clairement que la logique de la foule nombreuse,  celle de ceux qui font exploser tous les sondages comme en politique, celle de celui qui a plus de signatures, d’adhérents, de fonds récoltés…., celle des salles combles ou églises  pleines, des messes les plus suivies, du poids des chrétiens dans la société française… celle-là n’est pas du tout sa logique. Si nous sommes dans cette logique-là, nous ne sommes pas faits pour être chrétiens ou disciples du Christ…. Ou alors,  prenons cet évangile  comme un appel à nous arrêter un moment pour reconsidérer notre vie chrétienne et nos motivations premières, et repartir sur des nouvelles bases totalement différentes, mais plus vraies et plus solides : celles de la croix, du renoncement au pouvoir, à l’avoir, aux liens affectifs, en acceptant, humblement parfois la dernière place. Que le Seigneur nous vienne en aide et nous apprenne à toujours mieux le suivre en cette année qui s’ouvre. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial