Homélie XXV dimanche – année C

2018-01-28T20:20:13+01:0025 septembre 2016|

Mes chers frères et sœurs ! Je confesse que la parabole de l’évangile de ce dimanche est parmi les plus difficiles…et j’avoue que préparer cette homélie en commentant la Parole de Dieu de ce dimanche n’est pas un exercice facile. Nous sommes devant une page bien étrange ! A première vue, il est très choquant de voir comment l’homme riche de la première lecture met en place toute une stratégie, en utilisant la religion, pour exploiter les pauvres, d’où la colère de Dieu exprimée dans le livre d’Amos. Il est choquant, d’entendre Jésus dans l’Evangile, faire la louange et encenser un personnage malhonnête et corrompu.

Alors devant un tel évangile, si nous sommes un peu honnêtes avec une conscience en bonne santé, notre réaction naturelle est : « Non, pas toi Seigneur ! Dans une société tellement pourrie, malhonnête avec beaucoup de corruption et d’illégalité, toi Seigneur au moins, tu devrais nous montrer le bon l’exemple ! » Nous en avons marre avec les affaires Cahuzac, Bygmalion, du Vatileaks, des Panama Papers…. De tous ces millionnaires et grands du monde qui ont des problèmes avec le fisc… Nous en avons marre de tous ceux qui déclament à longueur de journée que nous devons être honnêtes et respecter la loi, payer honnêtement nos impôts mais qui ont été en réalité les premiers à enfreindre cette loi et à traîner quelques lourdes casseroles dans les tribunaux, comme l’actualité médiatique nous le rappelle aujourd’hui … Alors, dans ce contexte, il est naturel de perdre confiance et d’être choqué quand nous entendons un tel évangile qui semble faire la part belle à un homme corrompu et malhonnête….

Chers amis, tous les hommes sont égaux devant l’argent : nous sommes fragiles et faibles devant la richesse qui nous fait parfois oublier les grands principes auxquels nous croyons et que nous enseignons. Nous nous laissons vaincre par cette faiblesse, n’étant pas capables de maîtriser notre appétit et de résister à l’attrait de la richesse. Du coup, de manière inconsciente, sans le vouloir, et parfois même malheureusement de manière délibérée et choisie, nous accumulons la richesse, nous trichons pour en avoir un peu plus chaque jour….oubliant qu’à notre mort, cette richesse ne nous suivra pas dans la tombe. Ne nous faisons pas d’illusion : l’attrait de l’argent est très puissant, et comme nous dit l’évangile de ce dimanche, si nous ne faisons pas attention chaque jour, nous risquons de tomber dans son piège en devenant un peu plus malhonnête chaque jour.

Pour comprendre le message que Jésus nous envoie dans cet évangile, nous devons dépasser son caractère scandaleux et considérer le contexte de cette parabole. La course au pouvoir et le succès économique, la prétendue sécurité que nous octroient l’argent et les biens matériels…tout cela risque de nous faire oublier combien l’argent est capable de nous appauvrir humainement et spirituellement en atteignant notre cœur, le siège de l’amour, nous rendre durs comme une pierre. Pensez à tous ces gens qui ne pensent qu’à gagner de l’argent, tous ceux pour qui tous les coups sont permis pour augmenter et grossir leurs comptes en banque. L’argent nous rend parfois esclaves et aveugles, au point de nous empêcher de voir qu’il y a des pauvres autour de nous. Il suffit de voir certaines personnes tellement riches, vivant dans « leur bulle » à tel point que nous nous demandons parfois si nous habitons la même planète, confrontés aux mêmes problèmes de famine, de chômage, de crise écologique… On nous parle depuis des années de la crise financière mais le Magazine Forbes nous dit que le nombre de milliardaires dans le monde n’a cessé d’augmenter… alors que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres et plus nombreux….

D’ailleurs, la richesse peut tellement nous obséder jusqu’au point de nous faire oublier la valeur de la vie humaine : alors, on peut massacrer les populations entières dans le seul but d’exploiter leurs richesses, les laisser mourir de faim pour qu’ils achètent les produits au prix que nous voulons fixer, laisser mourir les malades et les personnes âgées, abréger leur vie, pour ne pas coûter cher à la sécurité sociale.

Dans cet évangile, nous contemplons un homme, gérant d’une entreprise à qui le patron a déjà notifié le licenciement. Il doit aller au chômage, mais il le mérite bien celui-ci, tellement il a volé. Alors, comme à son habitude, il veut, ici encore, profiter de cette occasion. Pendant sa carrière, la richesse de son patron a servi à l’enrichir personnellement. On dirait même que son patron ne sait même pas l’ampleur de sa richesse. Ici encore, il manipule les comptes pour en tirer profit. Le prophète Amos, dans la première lecture, condamne cet homme qui ne pense qu’au profit : « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! » Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits » Ces malhonnêtes sont déjà condamnés !

Contrairement à ce que nous pouvons penser de prime abord, Jésus ne fait pas l’éloge ni la louange de ce gestionnaire malhonnête. Ce qui est souligné ici, c’est cette grande capacité que cultivent les enfants des ténèbres, c’est-à-dire, ceux qui ne pensent qu’à la vie terrestre, et que les enfants de la lumière sont appelés à cultiver pour nourrir en eux le désir de la vie éternelle. Grâce à une stratégie ingénieuse, le gestionnaire qui a passé tout son temps à voler l’argent du patron se rend compte qu’il faut se faire pardonner un peu en se faisant au moins quelques amis parmi ceux qu’il volait jadis. Alors, le pourcentage qu’il devait mettre dans sa poche sur la dette des travailleurs, il fait tout pour le perdre et s’attirer ainsi un peu de sympathie. Cela lui sera utile quand il sera à la rue après son licenciement. Ainsi, il ne sera pas rejeté par tout le monde. Il y a quelques travailleurs qui lui resteront reconnaissants.

C’est à ce niveau qu’intervient l’enseignement de Jésus. En observant cet homme malhonnête, Jésus nous demande d’être aussi « fourbes» “rusés”, d’être aussi intelligents et ingénieux pour obtenir et chercher ce qui compte vraiment. Nous utilisons notre intelligence pour faire le mal, pour accumuler des richesses et l’argent qui passent ; pourquoi ne pas utiliser la même intelligence et ingéniosité pour faire le bien autour de soi, pour rendre les autres un peu plus heureux, rendre notre monde un peu meilleur. Imaginez un peu si toute cette énergie déployée pour exploiter les autres et faire du profit dans notre monde économique ultra libéral était pareillement déployée au service du bien commun, pour lutter contre la pauvreté, les maladies, l’exclusion, faire et consolider la paix entre les peuples… c’est sûr que notre monde serait un peu comme un prélude du ciel car nous nous serions certainement plus heureux les uns et les autres.

Le Seigneur nous dit : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles ». Nous vivons parfois comme si toute la finalité de notre vie se résumait dans ce que nous gagnons, mangeons et dépensons sur la terre. Et quand la mort arrive, nous nous rendons bien compte que tout cela est vanité. La mort nous rappelle notre finitude et la condition bien transitoire en ce monde. Mais si nous passons notre vie et utilisons nos facultés pour faire le bien autour de nous, en vivant les œuvres de miséricorde corporelles qui sont nourrir les affamés, soigner les malades, abreuver ceux qui ont soif, habiller ceux qui sont nus, visiter les prisonniers, accueillir l’étranger….cela permettra d’ouvrir pour nous l’horizon de la vie éternelle quand prendra fin notre pèlerinage sur la terre. Que le Seigneur nous aide chaque jour à voir la vanité des richesses matérielles pour que nous cherchions les vraies richesses, celles qui nous feront gagner le ciel et la vie éternelle. Amen.

 

Ancien curé de l'ensemble paroissial