Homélie XXIX dimanche – année C

2018-01-28T20:19:44+01:0016 octobre 2016|

Mes chers frères et sœurs ! Aujourd’hui, je voudrais vous inciter à la violence, au harcèlement…..Mais pour que vous ne soyez pas choqués et que vous n’appeliez pas la gendarmerie pour m’arrêter avant même que j’aie fini cette homélie, je précise ma pensée dès le départ : je ne vous demande pas de harceler votre curé, votre secrétaire ou votre manager, je ne vous demande pas d’être violent envers votre épouse, votre mari, votre voisin de palier, vos enfants ou votre collègue ! La violence et le harcèlement que je vous recommande aujourd’hui ont pour unique destinataire et seule victime : Dieu. Oui, je vous conseille fortement aujourd’hui de harceler le Seigneur dans votre vie de foi, en particulier dans la prière. Harcelons-le au point de ne pas lui laisser une seule minute de repos ! C’est le Seigneur lui-même, à travers la Parole de la liturgie de ce dimanche, qui nous incite à le harceler sans nous lasser.

Il est certainement arrivé à certains parmi nous (sinon à tout le monde), de se retrouver dans une situation où nous devons demander quelque chose à Dieu avec insistance. Une grâce spirituelle particulière, comme ceux qui demandent un cœur, des yeux, une langue, des mains, des pieds miséricordieux… après avoir écouté les enseignements de sainte Faustine par la bouche d’Hélène Dumont qui nous en a parlé dimanche dernier dans l’église de Castelginest. Vous avez peut-être essayé de demander avec insistance à Dieu une aide, une faveur, un soutien et du réconfort au moment d’un deuil, ou du courage alors que vous étiez tentés de laisser tomber ou de baisser les bras au moment où votre vie de couple battait de l’aile, ou alors la guérison de cette maladie qu’un proche ou vous-même portez personnellement depuis des mois, voire même des années…

Insister dans la prière, harceler Dieu est un signe de confiance et de foi en lui. Vous ne vous êtes pas sentis exaucés par Dieu et vous vous dites, avec raison : mais, Seigneur, si tu ne nous écoutes pas, qui pourra alors nous aider ? Tu sais que nous sommes pauvres, limités dans nos moyens, incapables devant certaines lourdes épreuves de la vie… et alors, tu dois nous aider, il faut que tu viennes à notre secours parce que tu es tout-puissant dans ton amour !

Alors, mes amis, si nous faisons l’expérience d’un certain silence de sa part, ne baissons pas les bras ! Contemplons Jésus sur la croix. Il fait l’expérience du même silence et de la même solitude. Il prie mais ne trouve pas de réponse immédiate. Il dit à son Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?», mais il ne reçoit aucune réponse ! Pourtant, cela n’atteint pas sa confiance dans le Père car il dit, avant de mourir : «Père, entre tes mains je remets mon esprit!» Cette confiance tenue jusqu’au bout trouvera la réponse trois jours plus tard, dans le mystère de la résurrection.

Dans la liturgie de ce XXIXè dimanche, la Parole de Dieu nous dit que nous devons insister et prendre en exemple Moïse et la veuve de l’évangile comme modèle d’une foi priante. La veuve de l’évangile est devant un juge qui «juge sans justice» et qui refuse de lui rendre justice. Mais elle tient bon ! Sa persévérance, le fait qu’elle harcèle ce juge impertinent finit par décider ce dernier à lui faire justice. Il est dit dans l’évangile: «Il y avait une veuve qui venait lui dire : « Rends-moi justice contre mon adversaire. Longtemps il refusa ; puis il se dit : Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer». Il a cédé devant la ténacité et la persévérance de la veuve. Il était pourtant «un dur», un homme sans pitié ni compassion, sans justice et ne craignant pas Dieu.

Contemplons la figure de cette veuve qui nous est donnée comme modèle. Dans la tradition biblique, la veuve et l’orphelin, (et dans une certaine mesure l’étranger) sont une catégorie abandonnée et méprisée dans la société. Ils sont tellement fragiles que tout le monde peut abuser d’eux, les écraser, car ils sont sans défense. En effet, c’est le mari qui défend son épouse ! C’est le papa qui défend et protège son enfant. Perdre le mari pour une femme ou le papa pour un enfant, c’est se trouver dans une situation de grande fragilité. Du coup, la veuve et l’orphelin ne peuvent compter que sur Dieu seul. Dans cet évangile, cette veuve ne demande pas de passe-droits ! Elle ne demande pas de la pitié ni une faveur particulière….. Elle réclame tout simplement son droit : qu’on lui fasse justice, rien de plus ! Même cela, personne ne veut le lui accorder.

Normalement, la justice, dans sa nature même, est censée défendre tout le monde. Ne lit-on pas, même dans nos tribunaux que nous sommes tous égaux devant la Loi et devant la Justice ! Le juge, en principe, est impartial. Cependant, parfois, comme vous le voyez, cela est une formule vide, une devise paradoxale, une formule parfois cynique parce que beaucoup d’exemples montrent que dans notre société, nous ne sommes pas toujours traités de la même manière par la justice humaine qui est malheureusement parfois cynique et injuste ! Mon chanteur préféré, Lucky Dube, dit dans une de ses chansons, que notre société est tellement corrompue qu’elle cherche à acheter l’amour et la justice, et qu’amour et justice peuvent s’acheter… et qu’au tribunal, une enveloppe remplies de dollars peut faire changer radicalement la décision d’un juge à la vitesse d’une roquette. Ceci n’est pas nouveau !

La veuve croyait en la justice et elle n’a pas baissé les bras ! Elle a lutté jusqu’au bout, tenant tête à ce juge sans justice. Le changement d’attitude du juge n’est rien d’autre qu’une preuve supplémentaire de son égoïsme. Il accepte de faire justice, non parce qu’il croit en la vertu de la justice mais bien parce qu’il veut être tranquille, sans cette casse-pied de veuve qui n’arrête pas de le harceler et de l’importuner.

Faisons attention ! Quand nous prions, nous ne nous adressons pas à un juge sans justice et sans pitié mais à un Père, plein de tendresse et de miséricorde, un juge juste qui juge avec justice et bonté. Même quand Il semble silencieux parce qu’Il n’obéit pas à nos requêtes dans un temps, dans un espace bien précis, dans les conditions qui sont les nôtres, notre Dieu est toujours fidèle. Il ne ferme ni ses oreilles, ni son cœur à ses enfants que nous sommes. Nous le voyons dans la première lecture. Moïse prie Yahvé pendant que Josué est allé combattre les Amalécites en vue de la Terre Promise. Le temps devient trop long. Moïse se fatigue. Mais il ne baisse pas les bras parce qu’il sait que Dieu écoute toujours nos prières. C’est ainsi qu’il demande à Aron et Hour de soutenir ses bras en prière.

Cette demande de soutien me fait penser à toutes ces personnes qui demandent de prier en communion, ensemble avec elles, pour telle ou telle personne, comme ces demandes que je vois fréquemment passer par mail par le biais du groupe de la divine miséricorde où nous portons ensemble une personne ou un projet dans la prière. L’union fait la force… et ceci vaut plus encore dans la prière. Les chrétiens sont appelés à se porter mutuellement et ensemble dans la prière. C’est une grande richesse de pouvoir compter sur la prière des autres. Le Seigneur nous demande de prier ensemble et avec insistance.

Prier avec insistance est une preuve de la solidité de notre foi. Baisser les bras devant ce qui semble le silence apparent de Dieu, même devant nos lourdes épreuves, est un signe que nous sommes, au niveau de la foi, comme nos enfants qui veulent parfois « tout ici et maintenant », et qui sont capables de nous dire : «  papa, maman, je te déteste, je ne t’aime plus parce que tu ne me donnes pas ce que je demande ! » C’est un chantage que nous entendons souvent ! « Je ne crois plus ou je refuse de croire en ce Dieu qui n’a pas exaucé ma prière quand je lui ai demandé de guérir mon enfant, mes parents, tel ami, mes grands-parents dans leur maladie… et qui sont morts depuis ! »

Je ne sous-estime pas la douleur ou la révolte qui naissent du fait de ne pas se sentir entendu par Dieu… Mais, la foi tenace nous dit que ce silence de Dieu, comme celui que le Christ a expérimenté sur la croix, trouve la réponse dans la résurrection. Oui, saint Paul nous disait dimanche dernier que le Seigneur est toujours fidèle, qu’il ne peut se renier lui-même. Demandons-lui de faire grandir et de purifier notre foi, pour que rien ne vienne ébranler notre confiance totale en Lui. Même quand nous sommes dans l’épreuve, crucifiés par et sur les croix des épreuves de notre vie, Jésus est crucifié avec nous et porte sa croix avec nous, nous promettant la victoire dans la résurrection si nous lui faisons totalement confiance. Seigneur, augmente notre foi parfois fragile et vacillante. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial