Homélie de Toussaint- année C

2018-01-28T20:19:42+01:002 novembre 2016|

Mes chers frères et sœurs, les saints sont des gens comme vous et moi ! Je crois qu’il est difficile d’imaginer un monde plus coloré, plus varié, à la fois plus uni et différent,  que le Ciel. Je rêve du moment où il en sera de même dans l’Eglise et dans nos communautés paroissiales, c’est-à-dire, une l’Eglise et communauté où il y a un peu de tout, comme cette foule immense dont parle l’Apocalypse, la foule de tous les saints que nous célébrons aujourd’hui. L’Eglise est une famille où il y a un peu de tout ! De la personne très manuelle au grand intellectuel de la commune, de l’ingénieur au bricoleur, du grand patron, du haut cadre d’entreprise au simple ouvrier en bâtiment ou en boulangerie, du laïc engagé au prêtre charismatique, de la sœur de la Bonne Nouvelle ou de la fille de Charité de La Cadène, pieuse et dévote à l’humble sacristine engagée dans nos différentes églises de l’ensemble Paroissial, du jeune du quartier sensible au séminariste en quête de tradition et rêvant de la belle liturgie, du monsieur le châtelain ou du baron au « sans-domicile fixe », du petit blond au noir Soudanais….

Cela serait la manifestation la plus belle de ce que le Christ est venu réaliser : faire de tous les peuples une seule famille de disciples missionnaires et de saints. Le Christ n’a jamais voulu que son Eglise soit une caste de privilégiés, de quelques élus, une caste à laquelle on n’accède qu’après une longue purification ascétique intérieure, spirituelle et dont seraient exclues certaines personnes qui n’entrent pas dans les cases et ne répondent pas aux normes et conditions fixées.

Le Christ a voulu que tous les hommes, sans exclusion ni discrimination aucune, puissent trouver leur place dans l’Eglise, car tous, nous sommes appelés à la sainteté par le baptême, c’est-à-dire, tous appelés à entrer en communion avec Lui pour partager sa divinité parce qu’Il a pris notre humanité. Le Seigneur nous montre la beauté de cette belle diversité à partir de ceux qu’il a choisis comme disciples. Il est parti d’un groupe de quatre pêcheurs André, Pierre, Jacques et Jean, très différents les uns des autres. Il se lance ensuite dans l’enseignement avec Nathanaël, un fils d’Israël en qui il n’y avait pas d’artifice, homme très honnête, pour ensuite appeler un Publicain, un collecteur d’impôt, c’est-à-dire, un collabo appelé Matthieu, qui était subalterne de Zachée que nous avons contemplé dimanche dernier. Il y ajoute quelques Zélotes, Judas Iscariote, des juifs et grecs…et chose surprenante pour son époque et sa culture, il prend aussi dans ce groupe quelques femmes-disciples dont des pécheresses, comme Marie Madeleine, la Samaritaine…..

Avant de mourir, il passe par la trahison de deux de ses apôtres -Judas qui le vend, et Pierre qui le renie- et l’abandon lâche de tous les autres…. A sa résurrection, il a voulu que l’histoire se poursuive avec le même groupe, le même style, en les guérissant d’abord de ce qui pouvait mettre en danger leur unité ! Tous les écrits du Nouveau Testament sont remplis de ces visages d’hommes et de femmes qui ont suivi les enseignements du Christ au sein d’une Communauté de foi, d’amour et d’espérance qu’est l’Eglise : chacun d’eux avait ses propres convictions et son propre tempérament, mais ils ont rendu témoignage au Christ, et beaucoup jusqu’au témoignage suprême à travers le martyre pendant la persécution. Et quand plus tard, avec l’empereur Constantin, l’Eglise rencontre les faveurs des pouvoirs politiques en devenant religion officielle, la variété des charismes, des ministères et des dons ne s’est pas arrêtée.

Nous nous réjouissons dans l’Eglise d’avoir tous ces saints, tous différents comme nous tous aujourd’hui dans nos communautés paroissiales, mais vivant de la même Bonne Nouvelle dont il faut témoigner chacun à sa manière. Ils sont tellement différents qu’il nous semble paradoxal de les savoir membres de la même grande famille. Oui, les saints sont comme nous parce que tous différents, mais, comme nous et avec nous, ils boivent tous à la même source.

A la profondeur de la pensée de saint Augustin fait écho la vie contemplative et active de saint Benoît. Au tempérament fougueux d’un prédicateur comme saint Dominique correspond l’âme séraphique et humble du « Poverello d’Assise », saint François et de son amie Claire d’Assise. L’esprit bagarreur et rigide de saint Ignace de Loyola est atténué par la vie rebelle de saint Philippe Néri, l’infatigable zèle missionnaire de François Xavier trouve une âme dans les quatre murs du Carmel de Thérèse de l’Enfant Jésus à Lisieux, patronne des missions qui n’a jamais quitté son monastère. A une sainte Mère Teresa vivant parmi les pauvres de Calcutta correspond Maximilien Kolbe dans les camps de concentration nazis. A la rigueur morale et à l’esprit d’affrontement d’un Padre Pio de Pietrelcina fait écho l’humble figure d’un paysan devenu saint Jean XXIII canonisé par le saint pape Jean-Paul II. A travers ces quelques contrastes, nous sommes pleinement dans la variété de l’Eglise d’hier et d’aujourd’hui, une variété d’hommes et de femmes. Parmi eux, il y a des mères, des pères, des prêtres et des consacrés, des papes et des évêques, des enfants et des personnes âgées, des africains, des Européennes, des asiatiques, des américains, des indiens. Tous les âges sont représentés. Ils sont tous témoins du même Evangile du Christ, mais chacun avec son caractère, ses talents, mais aussi ses limites et faiblesses comme chacun de nous. Mais tous ces saints ont cherché une chose : aimer et à faire la volonté de Dieu.

Jusque-là, il s’agit de noms et de figures connus de tous, des saints que nous célébrons et qui sont mentionnés sur le calendrier liturgique de l’Eglise. Mais les saints sont une foule plus nombreuse encore ! C’est cette foule immense d’inconnus que nous célébrons aujourd’hui. Ils ne sont connus de personne, mais dans le silence et cachés dans leur quotidien, ils ont dit oui au Seigneur, parfois même sans le savoir ni même s’en apercevoir.

La fête de la Toussaint me fait penser aux nombreuses grands-mères dont le pape François aime rappeler l’importance dans la vie des enfants, aux amoureux de la vie, aux mères courageuses de certaines pays en guerre et même celles qui sont nos voisines de quartier… Je pense à tous ceux qui luttent pour la liberté, la justice, l’unité entre les peuples, le développement humain et social ; à tous ces pères de famille dont l’unique joie est de rendre leurs enfants heureux, à tous ces prêtres, simples et humbles curés de campagne, oubliés parfois de la hiérarchie, mais qui, avec beaucoup de zèle missionnaire traversaient nos villages en faisant du ramassage scolaire, avec leur 2CV pour amener les enfants au catéchisme. Je pense à toutes ces religieuses au service des enfants abandonnés, des personnes âgées, des malades….

Je pense à l’héroïsme simple et silencieux de tous ces saints d’aujourd’hui qui ne font rien d’extraordinaire que leur devoir de père, de mère, de fils ou fille, de religieux, de prêtres, de professionnels de santé… mais avec beaucoup d’amour, simplicité et une grande joie.

Attention cependant : ne les appelons pas des héros. Les héros n’ont pas de place dans l’Eglise ni dans le Ciel. Nous voulons des saints, hommes et femmes comme vous et moi, gens qui auraient rougi en se sachant célébrés solennellement dans cette grande fête de tous les Saints. Laissons-les rougir aujourd’hui au moins en leur faisant ce tort. Mais n’oublions pas que leur grand désir, c’est de nous aider à cheminer nous aussi, pour être en communion avec eux. N’oublions pas de les imiter, dans notre petit quotidien, en vivant simplement chaque chose, non pas par devoir mais par amour. Seigneur, donne-nous de nombreux saints pour notre communauté, pour nos familles, pour notre monde et pour ton Eglise. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial