Homélie de Noël – Nativité du Seigneur

2018-01-28T20:19:40+01:0030 décembre 2016|

Mes chers frères et sœurs ! Cette année encore, Noël fait peur ! Si nous avions laissé la peur prendre le dessus sur notre foi, nous ne serions pas dans cette église pour célébrer la naissance de notre Seigneur. Oui, nous célébrons Noël dans un climat de peur, mais nous sommes dans la joie parce que le Seigneur est venu chasser nos peurs. Il est aussi probable que des événements douloureux plus personnels s’ajoutent à cette atmosphère déjà tendue autour de Noël. Je pense à ceux qui ont vécu récemment un deuil et ce grand vide qui s’est créé ! Certains parmi nous sont très malades, ou ont dans leur entourage des malades gravement atteints. Je pense aussi aux enfants qui doivent faire la terrible gymnastique de fêter ce soir chez papa, pour aller demain matin passer le reste de la fête chez maman parce que malheureusement les parents sont séparés. Malgré tout ce qu’on peut dire sur le mythe d’un divorce réussi, Noël ouvre les blessures de toutes ces séparations dont beaucoup parmi nous portent des cicatrices au fond de leur cœur. Les rassemblements de famille sont parfois un couteau remué dans des plaies profondes. Il y a aussi tous ceux qui doivent vivre Noël loin de chez eux, pour diverses raisons, et je pense en particulier à ceux qui ont fui la guerre, le terrorisme et les violences…

Cela nous fait peur, mais ces situations ressemblent au récit de Noël. Nous pouvons imaginer la peur angoissante des bergers qui cherchent à se réchauffer pendant cette nuit froide de Bethléem. Dans leur cœur, il y a de la résignation et les sentiments de ceux qui n’ont plus l’énergie de lutter pour survivre. Ces bergers sont des petites vies inutiles, résidus de l’humanité, des accessoires de l’histoire médiatique. Ce sont des hommes et femmes anonymes qui ont baissé les bras dans un monde de compétition. Ils ont arrêté de se battre. D’ailleurs, ils n’ont même pas enfilé le maillot parce qu’ils se savaient battus d’avance… Ces bergers de Noël n’ont plus de rêve. Ca fait tellement longtemps qu’ils ont arrêté de rêver. Ils ont le cœur endurci par les nuits blanches vécues dans le froid et dans la douleur. Ces bergers n’ont pas une très bonne réputation. Ils étaient peu aimables… Beaucoup de monde autour de nous se considèrent, à tort ou à raison, comme des perdants, mal-aimés, rejetés… .comme les bergers de Bethléem… Mais ces bergers sont les premiers bénéficiaires de Noël, car c’est à eux que la Bonne Nouvelle est annoncée en premier !

Alors, pour cette fête de Noël, vu que nous sommes comme ces bergers, c’est-à-dire, tous perdants, consciemment ou inconsciemment, dans l’un ou l’autre aspect de notre vie, la contemplation des personnages de l’évangile de Noël nous permettra de renaître, rebondir, de repartir de nouveau avec le précieux cadeau que Dieu nous fait à Noël. Nous pouvons nous retrouver dans l’un ou l’autre des cas de figure que je vais présenter. A chacun de nous de choisir lequel sera le sien en repartant à la fin de cette messe de Noël.

  1. Tu sens que tu ne t’aimes pas assez ! Tu fais partie de ces gens qui se sous-estiment, qui croient qu’ils sont nuls, des losers, bons à rien, ceux qui se méprisent ou sont méprisés par la société ? Tu manques de confiance en toi ! Tu crois que les autres sont toujours meilleurs que toi ! Pour cette fête de Noël, l’Eglise te présente l’icône de Marie et te donne comme cadeau la valeur infinie de ta personne aux yeux de Dieu. En contemplant Marie dans la crèche, autour des autres personnages, nous pouvons nous dire qu’elle ne valait rien dans sa culture. La naissance d’une fille dans la culture juive de l’époque était accueillie par les parents avec un peu de déception. Tous les parents désiraient avoir des garçons. Parfois les petites filles étaient abandonnées à leur naissance. D’ailleurs, le mot « femme » (be’hulah’) veut dire « possédée ». La femme était considérée non pas comme un sujet, mais à l’égal des bêtes, comme une propriété du mari. Cela existe encore malheureusement dans certaines cultures ou idéologies. Elle était considérée comme un réservoir pour faire des enfants à son mari. C’est pour cela que la polygamie était acceptée, voire même recommandée dans l’Ancien Testament. On pouvait avoir plusieurs femmes. Jacob en a 4, David 9 et Salomon 600. On ne demandait pas à une femme de prier parce que les prières d’une femme étaient considérées sans valeur. Elle n’était pas tenue d’aller à la synagogue, ne pouvait parler en public et ne pouvait apprendre la Torah. A l’exception de Sara, la femme d’Abraham, Dieu ne s’adresse jamais aux femmes dans l’Ancien Testament.

Marie ne sait ni lire ni écrire, elle n’a aucun titre et n’est pas d’une grande famille. Elle est socialement sans grande valeur aux yeux des hommes, mais aux yeux de Dieu, Marie est d’une valeur infinie. C’est elle que Dieu choisit comme modèle de foi et de tendresse pour notre humanité. C’est elle qui devient la mère de toute l’humanité car elle est la Mère de Dieu par son oui donné dans la confiance à Dieu. Elle dit dans le Magnificat : « le Puissant fit pour moi des merveilles, et toutes les générations me diront bienheureuse ». Toi aussi ce soir, si tu penses que tu es sans aucune valeur dans la société, sans amour, contemple-la dans la Crèche et vois les grandes choses que Dieu fit pour elle. Ce qu’il a y a de faible, de pauvre, de fragile, de méprisé, sans valeur dans le monde, c’est cela que Dieu a choisi comme nous le contemplons dans la personne de la Vierge Marie.

  1. Tu vis une situation compliquée et tu penses que tu ne vas pas t’en sortir, que tu ne vas pas y arriver, que tout cela te dépasse, que tu n’as plus la force d’avancer. Aujourd’hui l’Eglise te donne comme icône les Bergers et les Mages, et comme cadeau à emporter à la sortie de cette église : le don de la Foi. Les bergers sont considérés comme des voleurs. Un rabbi juif dit d’ailleurs qu’il n’y pas plus méprisé comme travail que d’être berger. Alors, un Messie qui veut rencontrer d’abord des bergers, c’est un contresens. Quand l’ange vient leur annoncer la naissance du Messie à Bethléem, les bergers ont peur ! Non, de grâce, épargnez-nous cette mauvaise plaisanterie ! Ne vous moquez pas de nous ! C’est trop grand, trop de luxe pour les pauvres malheureux que nous sommes . Il leur a fallu une grande foi, une profonde conversion pour qu’ils acceptent que le Messie veuille les voir, eux d’abord, avant de se faire connaître au monde ! Voyez aussi les mages ! Quel exemple de foi, qui les fait quitter leur pays lointain sans savoir où aller, en suivant aveuglément une étoile!

Oui, les bergers et les mages avaient la foi et ce qui semblait impossible s’est réellement manifesté à eux. La foi, c’est cette confiance en Dieu qui te dit que tu vas y arriver, on ne sait quand ni comment, mais parce que rien n’est impossible à Dieu. A Noël, les mages et les bergers nous disent aussi que Dieu peut ouvrir de nouveaux horizons à notre vie, nous montrer un nouveau chemin, nous sortir de notre vie affective, conjugale, familiale, sanitaire, professionnelle, spirituelle… qui semble aujourd’hui catastrophique, à condition de lâcher prise et laisser faire Dieu avec une confiance absolue !

  1. Tu as une décision difficile à prendre, un choix cornélien à poser, une situation confuse qui bloque ton discernement. L’Eglise te présente aujourd’hui comme icône saint Joseph et le cadeau à la sortie, une décision à prendre. Joseph et Marie sont fiancés. Aucun rapport charnel, mais un amour très chaste les unit. A quelques jours du mariage, Marie est enceinte. Joseph doit prendre une décision difficile : répudier sa femme sans la déshonorer, la prendre avec lui malgré l’enfant qu’elle porte… Joseph est indécis : dois-je suivre mon cœur qui aime profondément Marie, mon intuition intérieure et ce rêve de l’ange qui m’a dit de la prendre avec moi malgré tout ? Le bon sens qui me dit que je dois la laisser tomber, la loi qui ne dit que je dois la dénoncer ? Aucune de ces décisions n’est facile. Joseph écoute son cœur et épouse Marie. Saint Joseph est notre conseiller quand nous avons des décisions difficiles : Il prend Marie qui ne lui appartient plus, il va à Jérusalem avec Marie en pèlerinage alors que celle-ci n’était pas tenue d’y aller. Il doit décider d’aller en Egypte pour sauver Marie et l’Enfant Jésus d’une mort certaine devant la jalousie meurtrière d’Hérode.

Décider, c’est faire un choix, prendre une route et en abandonner une autre, même si nous n’avons pas toutes les garanties. Chacun de nous doit, à certains moments de la vie, prendre des décisions qui nécessitent de faire un saut de confiance. En cette fête de Noël, si vous avez une décision difficile à prendre, saint Joseph peut aider à faire, vous aussi, ce saut du cœur et de la confiance, comme il le fit avec Marie et l’Enfant Jésus.

  1. Tu as peur de ce changement de vie qui s’impose à toi actuellement, que tu appréhendes et qu’il te faut embrasser ! Tu as du mal à tourner une page dans ta vie et tu restes dans la rancœur, l’angoisse du lendemain. En cette fête de Noël, l’Enfant Jésus t’est présenté comme icône et à la sortie, il te faudra prendre comme cadeau de Noël la vertu du courage. Noël nous appelle à renaître, à redevenir bébé, c’est-à-dire nouveaux et différents. Il nous faut donc partir de cette église avec le cadeau d’un changement de vie, en particulier si nous sommes confrontés à des lourds changements de vie. Nous sommes appelés à nous renouveler dans le meilleur par rapport à nos relations avec nous-mêmes, notre entourage et dans ce qui fait l’essentiel de notre vie. Il nous faut donc quitter cette routine de vie conjugale, professionnelle, spirituelle devenue insipide et qui a perdu sa saveur.

5. Enfin, un dernier exemple. Tu te sens insatisfait de ta vie, tu es nerveux, tourmenté. Noël te présente l’icône de l’étoile de Bethléem et comme cadeau à emporter après la messe, partir d’ici avec un rêve qu’il te faut réaliser. Les mages, malgré leur science, cherchaient quelque chose de plus grand, de plus noble. Toute la richesse et la science qu’ils possédaient n’étaient plus suffisantes pour remplir leur cœur. Ils rêvaient ! Ainsi, ils ont suivi l’étoile ! Dieu nous appelle chaque jour à quelque chose de plus grand, à un bonheur sans limite, un amour qui grandit chaque jour. Sans un tel rêve, notre vie restera tiède, insipide, incapable de donner envie. Si Noël nous montre un Dieu qui s’est fait homme, c’est parce que Dieu a un grand rêve pour chacun de nous : celui de nous faire partager sa divinité comme il a partagé notre humanité. Alors, en cette fête de Noël, dans nos familles, nos maisons, notre cœur, demandons au Seigneur ce cadeau de l’Amour vrai qui grandit parce qu’il est partagé. Joyeux Noël à vous et à vos familles !

Ancien curé de l'ensemble paroissial