Mes chers frères et sœurs ! La semaine dernière, il m’est arrivé d’allumer la télévision et j’ai vu un reportage sur les différents défilés du Carnaval : aux Etats Unis, au Brésil, aux Antilles… même ici en Métropole. Beaucoup de chars… Mais j’ai surtout été impressionné par les masques. J’ai même reçu un mail de quelqu’un qui envoyait à ses amis une vidéo dans laquelle il portait un masque ! Ce petit film m’a fait peur car je trouve les masques parfois effrayants. Ils cachent la vérité. Caché dans un masque, on peut tout faire, tout se permettre, se faire passer pour quelqu’un d’autre. Les voleurs, braqueurs, terroristes portent des masques pour cacher leur visage, leur identité ! C’est un peu comme la burqua, dans une certaine mesure… Pas de polémique ! Le masque inspire violence, mensonge, tricherie, faux… Il existe même l’expression : «démasquer quelqu’un». Pensez à votre fiancé, à votre conjoint, votre ami, votre parent… qui vit la relation dans le mensonge, portant son masque et se faisant passer pour un fiancé, conjoint, parent ou ami idéal… pour découvrir plus tard que tout cela est du cinéma. Cela blesse votre confiance… et nous avons tous envie de vivre la relation en vérité, sans feinte ni faux-semblant ! Nietzsche dit que nous portons tous des masques et que notre vie est une succession de rôles….On peut donc vivre sans être authentiques, vraiment en vérité, en faisant semblant avec nos amis, notre famille, nos paroissiens, notre curé…
Le temps de carême nous invite à vivre en vérité car Jésus n’a pas porté de masque, n’a pas fait semblant avec nous. Il nous dit même qu’il est la Vérité et que la vérité nous rend libre. Jésus a été solidaire de notre humanité en tout, sauf dans le péché. Il a partagé notre humanité avec toutes ses fragilités jusque dans la mort. Ce dimanche dans le désert, il était dans la file d’attente comme tous les autres pénitents pour être baptisée par Jean. Après son baptême, il est emporté dans le désert où il est tenté, comme cela nous arrive souvent.
Celui qui le tente n’est pas un amateur mais l’Expert en tentations, l’Auteur du mal et du péché, celui qui fait passer le faux pour le Vrai de manière habile et intelligente, qui nous dit que ce n’est pas grave de blesser, de voler, d’être rancunier, de tromper, et qu’en fin de compte, c’est d’ailleurs mieux de faire le mal, car tout le monde le fait. Adam et Eve sont tombés sous son charme et dans son piège, comme nous tombons nous aussi très souvent. Le Malin est là ! Saint Pierre nous dit que c’est l’Adversaire, le Démon qui rôde comme un lion rugissant qui cherche sa proie. Aujourd’hui, on parle très mal du diable. Satan est devenu comme une sorte de héros romantique que recherchent et exaltent certaines personnes. Pensez à tous les mouvements, musique, cinéma, habillement… explicitement revendiqués comme «sataniques» et qui attirent et séduisent beaucoup de monde. Je vois cela dans la vie de beaucoup de jeunes, des adultes… et malheureusement des personnes âgées… Le diable est devenu séduisant et attirant dans notre société ! Mais nous devons le démasquer, lui résister par la force de la foi comme le fit Jésus au désert, lors de ses trois tentations.
La première tentation que vit Jésus est celle du pain. Nous devons survivre, ne pas se laisser mourir de faim. C’est tellement évident, naturel, et le Diable le sait bien. Il a du bon sens. Quand je lis les tentations, je suis impressionné par deux choses : le Diable cite par cœur la Bible, et donne des conseils remplis de bon sens. « Jésus, si tu veux être le messie, il faut quand même que tu prennes soin de toi ! Avant de nourrir les foules, fais d’abord attention à ton alimentation, à ton hygiène de vie, à ce que tu manges, à ta forme physique ». Logiquement Satan a raison : personne ne peut affronter un défi qui lui demande des forces, des calories et de l’énergie s’il ne se nourrit pas. C’est une question de simple bon sens.
Et c’est là exactement que se trouve le piège : pour se nourrir, Jésus doit transformer les pierres en pain. Il faut faire un miracle ! Être fils de Dieu, du point de vue du diable, c’est un privilège ! Alors, pourquoi ne pas en profiter, voire même en abuser? Mais pour Jésus, être Fils de Dieu, c’est imiter le Père et se mettre au service de Dieu et des autres. Le pain dans cette tentation devient une idole, une finalité à atteindre à tout prix et peu importe les moyens. Oui, c’est bien d’être en forme physiquement, de prendre soin de son corps, de se préoccuper de son bien-être physique. On le voit dans les nombreuses propositions aujourd’hui : salles de sport, footing, piscine, aquagym, aquabike, randonnée, vélo, conseils pour l’hygiène alimentaire, pas trop salé, pas trop sucré, pas trop de gras, fruits et légumes…. Nous avons tout pour maintenir notre forme physique, rester beaux et profitez de la vie.
Ce corps que nous nourrissons et admirons jusqu’au narcissisme, de manière exagérée, finira poussière, comme la liturgie du Mercredi des Cendres nous l’enseigne. Cependant, par notre âme nous portons le souffle de Dieu qui rappelle que nous sommes faits à son image et à sa ressemblance ; très peu nombreuses sont les voix qui nous conseillent de prendre soin et d’entretenir notre âme. C’est bien de prendre soin de notre corps en ce temps de Carême, mais n’oublions pas de prendre soin de notre âme de puiser dans le cœur transpercé de Jésus, dans son côté ouvert d’où il a fait jaillir l’eau et le sang, dans les sacrements et d’écouter sa Parole pour nourrir notre âme.
Dans la deuxième tentation, le Diable ne met pas en cause l’existence de Dieu. Le Diable refuse de se comporter en athée idéologue. Il reconnaît la présence de Dieu et il passe tout son temps à arracher les hommes à son Amour. Satan reconnaît même sa bonté. Sa stratégie est de proposer simplement à Jésus de demander un signe à Dieu, une petite preuve de son existence. Un petit signe de rien du tout ! Là encore, Satan cite les Ecritures pour rassurer Jésus. Si tu es son fils, Dieu ne te refusera rien. S’Il est honnête, ton Père te fera un petit miracle ! « Alors, jette-toi du temple! Vas-y ! Lance-toi. Des anges vont venir te sauver en te portant pour que ton pied ne heurte une pierre ! C’est écrit dans le psaume d’ailleurs ! »
Mes amis, arrêtons nos chantages avec Dieu, avec notre foi fragile et calculatrice qui exigent sans cesse des preuves, des miracles… Arrêtons de faire des réclamations au Seigneur ! Dieu n’aime pas le chantage ni les caprices ! En amour, nous refusons le chantage ; la foi est aussi une relation d’amour avec Dieu, et elle aussi refuse tout chantage. Imaginez une vie de couple ne fonctionnant qu’à coup de chantages et de menaces ! Ce serait invivable. Cessons de demander à Dieu et aux autres, des preuves, des choses simplement pour satisfaire nos caprices et besoins d’enfants gâtés.
Le temps du Carême veut que chacun de nous interroge sa foi et le contenu de tout ce que nous demandons au Seigneur dans notre prière, nos exigences. Interrogeons-nous aussi sur le contenu de nos demandes, nos réclamations, nos exigences dans la communauté, la famille, aux conjoints et amis.
La troisième tentation que Jésus affronte, est la manipulation des relations humaines pour ses propres intérêts personnels. Aujourd’hui encore, je vois des gens qui savent manier les autres, les manipuler, les utiliser, les écraser… pour leurs propres intérêts, égoïstes : « Tu veux être le messie ? Alors comment penses-tu jouer dans la même division que tous les grands de notre temps si tu ne fais pas quelques compromis et compromissions. On nous parle des rendez-vous du donnant-donnant, rien pour rien. La gratuité disparaît dans certaines relations ! Il faut être plus fort que tout le monde, que tous ses collègues pour faire carrière… Et tous les coups sont permis. On voit aujourd’hui que dans les relations professionnelles, et malheureusement dans certaines « relations amicales » aussi, on exige sans cesse des faveurs à recevoir ou à restituer…
En ce temps de carême, nous sommes appelés à nous interroger sur notre manière de gérer nos relations avec les autres. Si nous trouvons que parfois nous manipulons les autres, que nous ne sommes pas toujours dans la vérité, que ce qui compte pour nous dans nos relations ce sont d’abord nos intérêts personnels, notre plaisir avant tout le reste, alors ce temps de Carême nous invite à la purification, la conversion, un retour à la vérité sur soi et sur les autres, afin de tisser des relations vraies et sincères avec Dieu et avec les autres. Si nous sommes tombés dans le péché, Dieu nous accorde un temps de grâce! Le pire n’est pas de tomber, mais bien de refuser de se relever, de rester nager dans la boue, dans la poussière en refusant de prendre la main tendue qui nous est donnée par Dieu dans sa miséricorde inépuisable.
Seigneur Jésus, tu as été tenté, ne nous laisse pas succomber à la tentation, comme nous le demandons en confiance dans la prière du Notre Père que tu nous as apprise. Amen.