Homélie 3ème dimanche de Carême – Année A

2018-01-28T20:19:36+01:0022 mars 2017|

Mes chers frères et sœurs. Ce qui compte dans la vie n’est pas l’image ou l’apparence, mais nos soifs profondes, celles que personne ne voit sauf Dieu, le seul capable de les étancher. La soif nous fait bouger naturellement. Chez nous en France, nous avons l’eau qui coule sans arrêt de nos robinets, ruisseaux, rivières… nous n’avons pas toujours pleinement conscience de ce que veut dire vraiment avoir soif. Pensez cependant à quelqu’un dans un désert, un camp de réfugiés, qui reçoit une bouteille d’eau pour la semaine… Pensez à la personne qui fait 50 km à pieds, grimpant des montagnes en quête de 20 litres d’eau. Pensez à cette journée caniculaire pendant laquelle vous avez voyagé ou fait du sport… et les bienfaits de ce verre d’eau fraîche vous a presque fait revivre…Voilà quelques éléments pour rappeler l’importance de l’eau et de la soif dans la vie. On dit même que les prochaines guerres ne se feront pas autour du pétrole et du diamant… Ce sera aussi la guerre de l’eau, par exemple, cette eau du Nil qui oppose actuellement l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan

Nous avons soif d’eau, mais en chacun de nous il y a une soif plus profonde encore. C’est celle de notre âme, celle qui fait périr le cœur lentement si nous ne rencontrons pas un autre cœur qui nous aime et nous aide à nous réaliser. C’est la soif du bonheur qui est en nous. C’est la soif de Dieu à laquelle répondent les catéchumènes que nous accompagnons particulièrement en ces semaines de carême. Ces catéchumènes (et nous aussi d’ailleurs) ont soif de Dieu. Mais nous oublions parfois que c’est d’abord Dieu qui a soif de nous et qui nous cherche sans se lasser.

Dans cet Évangile, Dieu se révèle comme ayant soif de chacun de nous. Fatigué, Jésus se rend au puits de Jacob, à Sykar, à l’heure la plus chaude de la journée, dans cette région de Samarie où il n’était pas le bienvenu. Jésus a soif d’eau, mais plus encore, Il a soif de la foi de cette femme qui vient puiser l’eau à une heure improbable, parce qu’elle a peur de croiser d’autres villageois avec leurs regards furieux et curieux, leur doigt pointé sur elle, leurs commérages qui la crucifient. Sa vie est déjà brisée et lamentable. Elle est devenue la risée du village, condamnée à ne rester qu’une femme facile comme en témoigne le nombre de ses ex-maris. Elle a honte de sa vie mais Dieu a soif d’elle! Il la cherche depuis longtemps parce qu’Il veut toucher son cœur. Cette Samaritaine, comme nous aussi parfois, fuit sans cesse la main de Dieu qui vient à sa rencontre. Très souvent, nous nous abreuvons d’eau salée qui n’étanche pas notre soif. Nous vagabondons, comme des nomades, à la recherche de réponses aux grandes questions de notre vie… Et pourtant, nous refusons de prendre la main de Dieu qui nous cherche sans se lasser parce qu’Il a tellement soif de nous. Nous mourrons ainsi lentement, à petit feu, dans notre âme, sans nous rendre compte, comme celui qui meurt de soif à quelques mètres d’un puits d’eau potable, seulement parce que nous n’osons pas lever les yeux pour voir Dieu qui est à notre côté.

Ce Dieu assoiffé nous attend, comme Il a attendu cette femme, symbole de la Samarie, résidu de la gloire du Royaume du Nord d’Israël réduit à rien depuis l’Exil. La Samarie est devenue une terre métissée et brassée culturellement grâce aux mariages avec d’autres peuples, ce qui est bon… mais la religion juive pratiquée dans cette région est caractérisée par une foi syncrétiste, mélangeant monothéisme juif et polythéisme babylonien. Peu importe! Dieu n’a pas de frontières. Il va jusque dans cette terre Samaritaine, à ses risques et périls dans cette terre ennemie.

La rencontre entre Jésus et la Samaritaine est problématique sur plusieurs plans. Un jeune homme juif ne pouvait adresser la parole à une femme Samaritaine. Il y a tellement de méfiance et de haine entre les deux peuples ennemis pour des raisons historiques et religieuses. En plus, une femme n’est pas autorisée à parler en public dans cette culture. Enfin, cette femme n’a aucunement envie des avances d’un homme! Un menteur de plus! Elle est tellement blessée par ses précédents amoureux que son cœur s’est fermé hermétiquement sur ses blessures. La Samaritaine pense en effet que Jésus veut lui faire la cour…

Et en effet, cette femme ne se trompe pas ! Jésus est l’Époux tellement amoureux de nous ! Chacun de nous est l’épouse depuis le baptême ! A travers la Samaritaine, le Seigneur vient reconquérir le cœur blessé et fermé de ceux qui sont assoiffés d’amour vrai. Jésus insiste avec délicatesse, en proposant un dialogue, une méthode qui est un vrai chef d’œuvre de pédagogie catéchuménale. Progressivement, petit à petit, Jésus touche le cœur de cette femme grâce à leur dialogue qui finit par lui redonner de la joie, le goût à la vie. La femme méfiante a posé des questions et reçu des réponses. De la soif d’eau, Jésus s’est révélé à elle comme source jaillissant d’eau vive. Jésus a porté la femme à parler de sa vie matrimoniale, de ses cinq divorces, c’est-à-dire, que par cinq fois, la Samaritaine a été abandonnée par cinq hommes différents : en Israël en effet, seul un homme pouvait quitter ou renvoyer sa femme!

Jésus ne fait pas de la morale à cette femme déjà blessée. Il l’amène petit à petit à prendre conscience du fait qu’elle a toujours cherché, par le passé, à assouvir sa soif de bonheur et d’amour par de l’eau salée, celle d’une affectivité possessive et illusoire. L’amour n’est pas une marchandise de change pour combler notre solitude ! Un amour qui ne vient pas de Dieu et qui ne porte pas vers Lui, cet amour devient rapidement une idolâtrie qui prend la place de Dieu. La Samaritaine a pris conscience de ses blessures. Jésus n’a pas remué le couteau dans la plaie, mais l’a amenée à parler de sa foi, de sa relation avec le Dieu qui étanche toutes nos soifs. Jésus la rassure en se révélant progressivement à elle : «Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer.» La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses.» Jésus lui dit : «Je le suis, moi qui te parle.»

La Samaritaine, la fille facile, la pécheresse publique, celle qui allait puiser l’eau à midi pour ne pas croiser les villageois à cause de la honte devient une disciple missionnaire. Elle repart au village la cruche vide et sans eau, mais son cœur est rempli d’amour ! Elle ne peut le taire. Celle qui fuyait les regards part à la rencontre des gens pour témoigner du Christ Jésus. Grâce à elle, de nombreux Samaritains deviennent croyants : «Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons :nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde!»

Prions pour que nos catéchumènes Valentine et Dalila qui ont rencontré le Christ deviennent disciples-missionnaires de son Amour. Prions pour tous ceux qui se préparent aux sacrements de l’initiation chrétienne et leurs accompagnateurs ! Prions pour que chacun de nous reconnaisse en Jésus  celui qui donne la Source d’Eau Vive, le Saint Esprit, qui étanche notre soif de bonheur. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial