Bien aimés dans le Seigneur, alors que le temps de rentrer de vacances est arrivé, la tentation peut subsister de vouloir repartir. Et pour la vaincre, il faut savoir prendre la meilleure décision, celle de rester ! Rester parce qu’il faut réaliser ses tâches, parce qu’il faut être fidèle avec le contrat signé dans une « boîte », dans une entreprise… parce que ce pacte qui nous lie est important. Combien plus l’alliance scellée entre nous et Dieu ? Les textes lus ce dimanche parle de l’Alliance. Alliance d’amour entre Dieu et son peuple, alliance d’amour entre l’homme et la femme dans le sacrement de mariage, alliance de fidélité entre le disciple et Christ pour la vie éternelle.
Pour Josué, il est question de choix libre, personnelle mais aussi familiale, communautaire : choisir de servir le Dieu de l’Alliance mosaïque ou les dieux païens dont les cultes sont présents et actuels dans le pays que les hébreux occupent. Pareil pour Jésus dans l’Évangile. S’adressant aux disciples, Jésus fait appel à la conscience d’une adhésion libre, d’une prise de décision volontaire de chacun. Il faut choisir de partir -tel que les foules venaient de le faire- ou rester à ses côtés. Toute décision, par voie de conséquence, entraîne un mode de vie. Rester invite à l’attachement, dans la fidélité, au choix pris.
En effet, la première lecture nous retrace les faits du moment où Josué disparaît. Israël se trouve dans les collines et les régions plus élevées de la Palestine. Il a pris possession des terres par infiltration des émissaires et par des armes. Les tribus ont conscience de leur commune destinée face aux peuples autochtones, idolâtres, païens et hostiles. Il faut soit accepter de vivre ensemble, se défendre ensemble, soit périr.
Les douze tribus s’assemblent à Sichem au centre de la Palestine. Là, sont établies les tribus de Joseph, plus fortes et plus attachées aux traditions de Moïse. C’est là que l’Alliance mosaïque fut célébrée. Après avoir rappelé les interventions de Yahvé en faveur d’Israël, Josué invite l’assemblée à choisir Yahvé et à rejeter les dieux étrangers à Israël. Tout le monde étant d’accord pour servir Yahvé plutôt que les dieux païens, la loi de l’Alliance est mise par écrit.
Le souvenir de l’Alliance de Sichem est comme la sève qui nourrit le désir d’unité et de fidélité à Yahvé pendant les jours sombres qui suivront la mort de Josué. C’est ce qu’on appelle la “profession de foi de Sichem”. Elle annonce la profession de foi que l’Église nous demande de proclamer dans la nuit Pascale. Elle est foi communautaire mais aussi individuelle. Chacun est invité à y adhérer librement et personnellement. Les chefs de familles s’engagent avec leur maisonnée.
La seconde lecture renchérit en ajoutant une nouvelle donnée : celle du chef de famille, l’époux, à qui l’épouse doit soumission, obéissance. Il ne s’agit pas d’une soumission aveugle ni d’une relation de maître – esclave mais d’une soumission aimante, de l’amour même qui pardonne tout, qui supporte tout, qui ne cherche que le bien de l’autre, son épanouissement, son bonheur. Parce que tout est fait dans le respect mutuel. Ce qui provoque le rajeunissement perpétuel, préserve des rides et conserve la beauté !! Paul présente l’Église comme « l’épouse du Christ ». Beaucoup se disent déçus par elle et finissent par la quitter. Or quitter l’Église, c’est quitter le Christ. Notre monde a besoin de vrais témoins de l’amour qui est en Dieu. Dans l’Église comme dans le foyer, l’essentiel c’est de rester ensemble, œuvrer ensemble pour sauvegarde l’unité du couple, en vivant les promesses et engagements initiaux faits lors de la célébration de l’Alliance. C’est là être disciple et témoins. En voyant des chrétiens unis et généreux, les gens pourront dire : « C’est ça l’Église ».
Dans le sacrement de mariage c’est pareil. Le mariage est une alliance entre un homme et une femme qui se promettent librement amour dans la fidélité et l’unité de couple. Les partenaires s’engagent à s’aimer dans les meilleurs comme dans le pire jusqu’à ce que mort les sépare… Il s’agit d’un acte de foi, d’engagement, une alliance pour la vie.
Le message de l’évangile d’aujourd’hui présente par contre cette façon de transmettre la foi comme un langage dur à accepter. En effet, non seulement les auditeurs de Jésus n’ont pas reconnu en lui sa divinité, connaissant bien sûr Marie et Joseph, mais aussi n’ont pas cru à sa parole parce qu’il n’était pas de la caste des grands maîtres à l’instar de Shammaï, Gamaliel, etc.
Jésus expose une doctrine qui reprend le motif de sa venue : il est descendu jusqu’à l’homme pour lui donner la vie de Dieu mais remontera d’où il était venu. Cette vie passe par la réception du repas des anges, le pain et le vin, corps et sang du Christ.
Ses auditeurs ne pouvaient pas comprendre le mystère du Fils de Dieu qui a voulu s’humilier et se dépouiller de sa gloire divine. Il s’est fait homme et il est mort comme un esclave afin qu’ensuite le Père le fasse remonter où il était auparavant après avoir donné sa chair à manger et son sang à boire. Il ne s’agit pas d’un cannibalisme, d’une anthropophagie ni d’hématophagie, ni d’acte sanguinivore comme ses interlocuteurs ont pu penser.
De même, nous aussi avons du mal à croire en l’œuvre divine qui se réalise au milieu de nous : cette humanité si irresponsable et que Dieu aime, cette Église si indigne avec laquelle pourtant Dieu réalise son plan ; cette histoire si désespérante qui cependant prépare le banquet du Royaume.
Dans la culture hébraïque, la chair et le sang indiquent le monde d’en bas où les hommes s’agitent et ne communiquent pas avec Dieu. Dans la religion juive, la chair des animaux sacrifiés était mangée. Par contre, l’Eucharistie est le corps et sang du Christ où la chair du Christ transfiguré, glorieux, ressuscité devient ainsi une réalité transformée par le saint Esprit. A la consécration nous parlons de l’épiclèse et la transsubstantiation. l’Esprit qui descend sur le pain et le vin change les espèces matérielles visibles en une réalité invisible, le corps et sang du christ. Et c’est réellement le Christ sous ces espèces, que nous recevons au moment de la communion.
Il s’agit là évidemment de cette vérité spirituelle que nous ignorons lorsque nous nous éloignons de Dieu et de l’Église. Et pourtant, comme pour les disciples de Jésus, à qui irions-nous ? Face à la crise actuelle de la foi, liée à-tord-ou-à raison aux scandales dans l’Église, nous abandonnons. Comme si les réponses à cette gangrène peuvent être trouvées sans nous. C’est lâche que d’abandonner au lieu de lutter de l’intérieur pour guérir cette blessure dont souffre le Corps du Christ. Pour porter des réponses aux questions d’actualités, ce n’est pas l’affaire des foules, des médias mais des personnes qui ont la foi, qui aiment l’Église. Ça doit nous préoccuper tous dès nos familles, nos communautés avant d’être l’affaire du Saint Père, en premier.
Mais, s’il y a eu crise -et grave chez les disciples-, quelle en était la raison ? Jean donne une double réponse. La première, c’est que la foule est déçue par le messianisme de Jésus. Chacun en Israël se faisait sa propre idée du Messie, mais il y avait un point commun et c’était la restauration nationale. Or, lorsque la popularité de Jésus est à son comble, il se dérobe. La seconde raison est plus profonde. Refuser le messianisme tel que le peuple l’entendait, cela ne mettait pas en cause l’enseignement de Jésus. On l’estimait énormément comme Maître, on s’émerveillait de ses pouvoirs comme guérisseur, on croyait que Dieu agissait par lui, mais quand on a commencé à sentir ce que Jésus portait en lui, on l’a abandonné. Or Jésus dit et répète qu’il est le pain venu du ciel. Là il se démarque de l’Ancien Testament qu’il prend soin de citer. Or Jérusalem et le Temple sont sous le pouvoir des étrangers. Les soupirs d’Israël opprimé, la compassion de l’Éternel pour son peuple… sont là ce qui est au cœur de la pensée de chacun de ses interlocuteurs. Jésus semble ne s’intéresser qu’à une découverte du Père dans le Fils : c’est là qu’est le royaume. Et si l’heure est unique, c’est parce que Dieu s’est rendu présent. Cet enseignement devient difficile à supporter, d’où l’abandon de Jésus qui ne va rester qu’avec un cercle réduit des disciples.
Les disciples font marche arrière parce qu’ils ne sont pas prêts à abandonner tout leur héritage religieux pour la seule foi en Celui qui exerce sur eux une telle attirance : non seulement l’écouter et le croire, mais croire en Lui. Le Christ veut inviter ses interlocuteurs à une communion avec Dieu par le Fils pour une vie dans l’Esprit. Il est facile de voir que cette crise des disciples de Jésus est toujours latente dans le monde chrétien : l’idée que le tout de Dieu et de l’univers nous soit offert aujourd’hui même en Lui et seulement en Lui est intolérable pour les sages, et certains n’auront de cesse de vouloir faire de Jésus l’un des plus grands ou même le plus grand parmi les hommes, mais sans plus croire en lui.
Prions en ce jour pour le Pape, qui lutte de son mieux afin que cessent les scandales dans l’Église et pour que toutes victimes trouvent réconfort. Prions pour les jeunes qui quittent l’Église pour l’une ou l’autre raison afin que la grâce de l’Esprit Saint les rencontre sur leur chemin pour une redécouverte de la foi ! Prions enfin pour nous-mêmes. Que la parole entendue et le pain à partager nous unissent dans la foi en Jésus, qui est vivant pour les siècles des siècles. Amen.