B – 11 TO – « S’émerveiller des toutes petites choses »

2018-07-05T20:49:23+01:0020 juin 2018|

Mes chers frères et sœurs. A notre époque hyper-connectée, les journaux, la télévision, les réseaux sociaux, les grands moyens de communication nous bombardent en continu d’informations qu’ils considèrent d’importance capitale. Ces informations parfois sont importantes, mais avouons que très souvent ce n’est pas le cas ! Un peu de matraquage médiatique qui façonne notre pensée et notre regard sur le monde et sur les événements. Très souvent ces informations ne reflètent pas les aspects et faits les plus importants de la vie. Cela malheureusement pollue notre vision du monde et de l’homme.

Du coup, nous ne savons plus voir les nombreuses merveilles tellement évidentes sous nos yeux ! Un beau coucher de soleil, un jardin fleuri en cette saison de printemps malgré les inondations, un paysage exotique, le sourire sincère du plus râleur de nos collègues. Qui parmi nous s’émerveille d’un beau lever ou coucher de soleil ? Je pense à cette famille française, un jeune couple et leurs trois enfants que j’ai rencontrés à Bukavu pendant mes vacances en janvier. Partis en coopération pour deux ans à Bukavu avec Fidesco, une structure de coopération catholique de la communauté de l’Emmanuel, ils réalisent que la vie d’une famille française à Bukavu, dans un pays en guerre n’est pas toujours facile. Nous avons beaucoup échangé sur les difficultés rencontrées dans leur vie et leur mission au quotidien. En se quittant un soir, je leur ai promis de les porter dans ma prière. Ils étaient vraiment découragés. Quelle joie de recevoir le matin un texto avec la photo du lever du soleil sur la ville de Bukavu, avec un lac tout bleu, et ce message : « Père Joseph, un grand merci de nous avoir écouté hier ! Oui, ce n’est pas toujours facile, mais, côtoyez ces gens toujours souriants et cette nature radieuse : n’est-elle pas belle la vie ! Nous avons la chance de nous lever chaque jour avec un beau lever de soleil sous ce beau lac Kivu et nous rendons grâce à Dieu ! » Ne fut-ce que cette image, elle a pesé dans leur décision de rester et prolonger leur mission malgré les autres difficultés.

Nous ne savons pas toujours voir ce que Dieu nous donne à travers les petites choses au quotidien, dans la nature, des petits détails de la vie qui sont comme cette graine de moutarde, qui fait pousser une grande plante, un grand arbre « et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre » Cet évangile nous invite à la fascination quotidienne en contemplant un semeur qui jette en terre une semence. Soit qu’il veille ou qu’il dorme, cette semence germe et grandit sans savoir comment. « D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »

Jésus nous invite à partir de ce petit fait pour contempler une réalité beaucoup plus grande : le royaume de Dieu. Dieu est présent dans les petites choses qui peuvent paraître même comme des échecs. Jésus qui nous dit qu’en dépit des épreuves, des sentiments d’échecs, Dieu est toujours à l’œuvre et ne se fatigue jamais de l’humanité, mais il nous conduit patiemment, humblement, par des voies inattendues et imprévisibles à la plénitude de la vie

En fin d’année pastorale, nous sommes appelés à contempler ce Dieu présent qui agit et travaille en nous et autour de nous pour faire grandir son royaume. En fin d’année, nous sommes-nous peut-être découragés, fatigués comme les déportés à Babylone de la première lecture dont nous parle Ezéchiel.

Certains membres des équipes de catéchistes, animateurs d’aumônerie, préparation au mariage, baptême, sacristains, les funérailles, liturgie, oraison, lecture biblique, le catéchuménat et tous les nombreux agents pastoraux de notre ensemble paroissial se sentent fatigués et découragés de n’avoir pas des résultats excellents, le retour sur investissement immédiat de ce qu’ils ont fait et enduré pendant l’année et vous êtes peut-être tenté de jeter l’éponge. Dans ce contexte, Jésus nous rassure à travers les paraboles de ce dimanche. Il nous invite à jeter la semence de sa Parole en terre, dans le cœur de ces enfants, parents, familles, catéchumènes, sans compter. Comme nous dit le pape François, nous devons sortir et jeter la semence, sans nous préoccuper des calculs des bilans comme les experts comptables. Avec le Seigneur et dans sa logique, la comptabilité ne marche pas ! Dieu n’est pas un bon comptable, sinon il mettrait chaque jour le doigt sur nos déficits ! Nous sommes tellement médiocre par rapport à lui, loin du compte.

Il nous appelle à parler, à travailler pour lui et avec lui, à témoigner de lui, simplement et en vérité. La suite ne nous appartient pas ! Elle dépend de la terre, du climat, de l’ambiance familiale et ecclésiale, de la liberté des gens et de l’action de Dieu dans leur vie. Nous ne sommes que des disciples en mission, mais l’Esprit du Christ nous accompagne et nous précède. Jésus nous appelle à la patience, à vaincre notre angoisse et notre désir de tout maîtriser, de tout contrôler, de tout programmer et tout comprendre dans la vie spirituelle, pastorale et personnelle. Nous sommes malheureusement parfois convaincus que tout dépend exclusivement de nous, de notre volonté : nous faisons des prévisions, même en ce qui concerne l’action de Dieu. Mais quand ça ne marche pas, nous disons que Dieu nous abandonne, alors que nous avions tout prévu sans lui demander ce qu’il voulait ! Parce que nous sommes fatigués et faisons l’expérience de l’échec, nous faisons de Dieu le responsable coupable. Alors, nous doutons de lui, notre foi entre en crise. Aujourd’hui, Jésus nous demande de le laisser faire, d’être sereins et confiants, d’être patients, prendre le temps et de voir ce qui est simplement vécu. Si nous voulons être heureux et voir naître le royaume, nous devons prendre la logique et le rythme de Dieu qui refuse toute manipulation de notre part.

La vie dans l’Esprit, la vie spirituelle, celle dont Dieu est maître, la naissance et la croissance du royaume de Dieu se fait par des petits pas, de petits signes. En nous et autour de nous, soyons attentifs aux petits signes, comme cette graine de moutarde que Jésus considère la plus petite de toutes les graines, mais qui devient un grand arbre. En nous, dans nos familles, dans la communauté, dans le monde, des petits gestes d’amour, de petits engagements pastoraux, des petits pas franchis, un petit don venu du cœur, une petite ouverture du cœur aux autres et au Seigneur, voilà ce qui conduit à de grandes réalisations, à des résultats surprenants. On dit que ce sont les petits ruisseaux qui font les grands fleuves. Cela fait penser à la légende du Colibri dont nous parle Pierre Rabhi.

L’Église est née d’une petite communauté de 12 personnes autour de Jésus, d’une petite communauté persécutée dans l’empire Romain dès le premier siècle, mais elle a transformé l’histoire de l’humanité, malgré ses fragilités et ses erreurs. Aujourd’hui encore, le monde a besoin des chrétiens. Ne dites pas que nous sommes minoritaires dans la société. Demandons-nous seulement si nous sommes témoins de Jésus là où nous sommes, dans nos missions, nos familles, au travail, auprès de nos amis, simplement, humblement mais concrètement. C’est cela qui fait grandir l’Église et fait naître le Royaume de Dieu. Telle est la dynamique de Dieu : elle n’est pas comptable, mais merveilleusement simple et humble. Puisse le Seigneur nous montrer les petits signes de sa présence dans notre vie et nous donner la grâce de sa divine patience. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial