B – 24 TO – « Demandons la grâce d’une rencontre réelle et personnelle avec le Christ »

2018-09-16T20:43:09+01:0016 septembre 2018|

Mes chers frères et sœurs ! L’évangile de ce dimanche 16 septembre, jour de notre rentrée paroissiale nous invite à méditer sur ce lien paradoxal qui existe entre la croix et la gloire, et je trouve providentiel de lire cet évangile juste après la Fête de la Croix Glorieuse célébrée ce vendredi 14 septembre. Cette fête était pour l’Église une occasion, proposée par le pape François de demander pardon pour les lourdes croix des abus sexuels criminels dont ont souffert et souffrent encore tellement de personnes dans l’Église, de la part des pasteurs ; journée de jeûne et de prière appelée par notre archevêque à Toulouse. Nous méditons cela après avoir célébrée la fête de Notre Dame de Douleurs pour confier toutes ces douleurs infligées ou subies à Notre Dame qui devient notre consolatrice. Dans la tradition biblique, la croix est l’instrument de l’extrême humiliation et du livrer-soi-même à l’humanité que Jésus choisit, mais elle devient aussi une étape nécessaire d’élévation et de glorification pour le chrétien. « Si nous souffrons avec lui, si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons, avec lui nous régnerons », rappelle saint Paul. Comme dit Soren Kierkegaard, on ne peut concevoir, envisager, penser une vie  authentiquement chrétienne sans la dimension de la Croix…
Et pourtant l’apôtre Pierre a du mal à suivre cette voie que Jésus lui-même a choisie pour nous sauver. C’est cela qu’il explique à tous les disciples qui marchent avec lui et derrière lui à Césarée de Philippe où il discute avec nous et nous interroge sur la connaissance qu’ont les gens de lui et que nous avons de lui. « Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? »

Il ne s’agit pas du tout de cette curiosité malsaine, imbue d’orgueil qui nous pousse à savoir tout ce que les gens racontent sur nous, ce qu’ils disent de nous ou quel jugement ils portent sur nous. D’ailleurs, nous demandons ce que les gens disent (quoi), mais Jésus parle de qui (identité profonde). Il y a une grosse différence entre « qu’est-ce que les gens disent de moi » et « qui suis-je aux dire des gens ? ». Dans sa question, Jésus veut rencontrer les gens sur le terrain de leurs vraies convictions, ce qu’’ils croient vraiment, et peu importe si ces convictions sont fondées ou pas, solides ou légères… mais c’est sur le terrain de ces convictions que le Seigneur veut nous rencontrer pour nous montrer qu’il s’intéresse à la personne, et non pas à l’idée et à la règle. Même dans la vie de chaque jour en paroisse, nous ne pouvons pas annoncer le Christ aux personnes que nous rencontrons ou qui frappent aux portes de nos maisons et églises si nous ne cherchons pas à savoir les convictions qui les font vivre et font bouger leur vie.

Ils lui répondirent : «Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » La réponse qui est donnée est, dans une certaine mesure, comparable à ce que nous entendons souvent. Pour beaucoup de gens que nous rencontrons, Jésus est parfois un grand homme, un prophète, quelqu’un qui sort du lot, un grand personnage de l’histoire de l’humanité. J’ai même rencontré une catéchiste qui parlait aux enfants de Jésus comme d’un homme extraordinaire qui a fait beaucoup de bien, porteur de grandes valeurs, des super pouvoirs pour faire des miracles, qui a fait tellement de bien aux gens, qu’il nous faut imiter… mais cette brave catéchiste avait du mal à leur dire et expliquer que Jésus est Dieu, comme  le Père.

« J’ai la foi, j’ai mes croyances, même si je ne vais pas à ma messe, je suis croyant, mais pas pratiquant ! » Voilà un refrain que j’entends à longueur des journées ! En cette rentrée pastorale, nous pouvons demander la grâce de passer cette foi conceptuelle, un peu hasardeuse, à une réelle rencontre personnelle avec Jésus. C’est cela que nous sommes appelés à vivre pendant cette année pastorale qui commence : grandir chaque jour dans la rencontre et la connaissance avec Jésus et accueillir nos frères et sœurs qui s’approchent de l’Église pour qu’ils grandissent et approfondissent leur relation au Christ en le découvrant à l’œuvre dans leur vie.

C’est facile de mettre des étiquettes sur les autres, de les enfermer dans une boîte parce qu’on entend dire ceci ou cela. On ne peut connaître l’autre et savoir qui il est si l’on n’a pas fait l’effort d’entrer dans une relation vraie avec lui. Dans une communauté paroissiale, nous risquons toujours de nous appauvrir si nous n’accueillons pas et n’allons pas à la rencontre de l’autre pour l’accueillir, pour découvrir qui il est vraiment. Il est vrai rencontrer et accueillir en vérité coûtent et demandent des efforts… Mais celui qui fait le choix de la rencontre vraie et de l’accueil authentique découvre tout le trésor que l’autre peut lui apporter. Nous nous trompons très souvent sur le Seigneur, sur les gens, les membres de la communauté, nos voisins de palier, du quartier ou du village, les membres de nos équipes, parce que nous n’avons pas fait le choix de les rencontrer et de les connaître vraiment. Ce qui vaut pour ceux qui nous entourent dans nos communes, communautés et équipes, vaut aussi pour notre relation avec le Seigneur.
Un baptisé qui n’a pas encore tissé une relation personnelle avec Jésus ne peut pas se dire chrétien. C’est pour cela que Jésus vérifie si ses disciples le connaissent, au-delà des sondages d’opinion. C’est pourquoi il les interroge pour avoir une réponse personnelle et engageante : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » C’est beau de contempler Simon Pierre toujours spontané dans ses réponses. « Tu es le Christ ». Il dit la vérité. Jésus est le Christ, le Messie. Mais là encore, les disciples, et Pierre en particulier, doivent grandir dans leur  foi. Pour les juifs, le Messie qu’il attendait devait être puissant pour chasser les Romains qui étaient leurs oppresseurs.

Jésus profite donc de la révélation de son identité par Pierre pour faire entrer tout le groupe de ses disciples dans une intimité avec lui, en leur parlant de sa croix, sa mort et sa Résurrection. Pierre, qui venait de faire une belle profession de foi refuse le projet de Jésus qui passe par la Croix. Lui qui avait abandonné son bateau de pêche et ses filets pour suivre Jésus, le voilà qui veut prendre la place de son maître. Pierre n’accueille pas le projet du Christ parce qu’il veut une gloire sans épreuve, sans souffrance ni douleur. Il veut décider à la place de Jésus.  Pierre donne même une leçon de morale à Jésus, il veut recadrer le messie dont il vient de professer la foi : « Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : non Seigneur, cela ne t’arrivera pas ». Combien cela nous arrive souvent !

La réponse de Jésus à Pierre est une leçon pour nous tous au début de l’année pastorale: « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Notre place est derrière le Seigneur, et notre mission est de Le suivre, d’emboîter ses pas et non pas de prendre sa place. Pape, évêque, curé de paroisse, prêtre, fidèle laïc, responsable de tel service, groupe, mouvement… nous sommes tous disciples, c’est-à-dire, tous derrière le Christ qui nous appelle à le suivre dans le service. Le Seigneur nous appelle à faire attention, car si ses disciples, dont le premier, Simon Pierre a été attiré par le pouvoir, la gloire facile sans passer par la croix, le simple chrétien comme vous et moi, n’est pas vacciné contre la tentation du pouvoir dans l’Église à tout niveau, et même au niveau d’une paroisse.

En ce début d’année pastorale, la remontrance de Jésus à Pierre est un appel à la conversion pour chacun de nous. « Passe derrière-moi Satan, toi qui sème le trouble, toi qui cherche le pouvoir, toi qui sème la division, toi qui répand des mensonges, toi qui refuse d’accueillir l’appel et le projet de Dieu ». J’aimerais tellement que chacun de nous accueille les paroles du Christ qui finissent cet évangile pour en faire le programme de notre communauté : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. » Être chrétien, c’est suivre le Crucifié, Serviteur portant sa croix, mais Vainqueur de la Croix et de la Mort par son Amour. Que le Seigneur nous donne la grâce de nous mettre au service les uns des autres, dans la gratuité, cherchant sans cesse sa volonté pour y adhérer librement et généreusement. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial