C – 13 TO – « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? »

2019-07-03T22:41:56+01:003 juillet 2019|

Ces paroles sont choquantes ! Et puisqu’elles s’adressent à Jésus, nous pouvons dire qu’il s’agit bien d’une prière. Elles sortent de la bouche et du cœur du disciple bien-aimé, Jean, celui qui pendant la dernière cène avait posé sa tête sur le cœur du Seigneur. Comment est-ce possible de dire de telles paroles pour un apôtre ? Si encore c’était Judas qui les avaient prononcées, on comprendrait ! Mais là, il ne s’agit pas de Judas, mais de Jean, le plus mystique des apôtres ! En préparant cette messe tout à l’heure, quand j’ai lu cet évangile, j’ai été choqué par le décalage entre l’image que nous avons de l’apôtre Jean et cette sorte de haine, de violence et de rancœur qui sortent de son cœur, en passant par sa langue. Jean me fait penser à ces personnes que nous pouvons côtoyer dans la famille, en communauté, au travail : vous les voyez avec une tête d’ange… et vous vous dites que cet homme, cette femme, cet enfant n’est pas capable de faire du mal. Pourtant, vous découvrez qu’il, qu’elle est capable de faire des sales coups aux autres, des horreurs, des méchancetés qu’on a du mal à accepter si l’on n’en est pas un témoin direct, oculaire.

Ce matin par exemple, à la retraite des catéchistes, une d’elles parlait d’une petite du catéchisme qui était très belle et qui était aussi capable de dire et faire de méchantes choses aux autres… Et un jour, la catéchiste a été obligée de lui dire : «  c’est dommage qu’une petite si belle comme toi soit capable de telles méchantes choses. ». Mais vous et moi, nous sommes tous capables d’une telle haine ou violence comme Jean et Jacques, deux disciples qui ont pourtant marché à la suite de Jésus, partageant ses joies, écoutant ses enseignements sur le pardon et la miséricorde, l’amour des ennemis, goûtant la douceur et la tendresse qui sortaient de ses gestes et paroles. Comme Jean et Jacques, nous avons aussi déjà vécu de belles choses, de profondes expériences chrétiennes à la suite de Jésus, et pourtant, nous ne sommes pas vaccinés contre le mal, la violence, la rancœur et la haine.

L’un des enseignements de cet évangile du XIIIè dimanche du temps ordinaire, évangile qui va nous fait entrer dans la période pendant ces mois de vacances, est que la vengeance est toujours diabolique. C’est un venin qui est en chacun de nous à petite ou forte dose, qui nous ronge de manière insidieuse et qui peut détruire notre âme. Nous pouvons toujours trouver des excuses et des justifications à notre vengeance, rancœur, haine de l’autre, en particulier celui qui nous a fait du mal, violence envers celui que nous qualifions d’ennemi… Ce mécanisme de raisonnement pervers pourra toujours justifier n’importe quel crime ! Penser par exemple au pédophile qui justifie son acte en s’excusant d’avoir été abusé dans son enfance lui aussi, un parent violent qui justifie sa violence par la fait d’avoir eu des parents violents…

Un certain Silvio Berlusconi, alors premier ministre en Italie qui disait, après une série de viol de jeunes étudiantes dans la ville de Rome : « Je n’ai pas le moyen de trouver un carabiniere à mettre derrière chaque fille dans cette grande ville de Rome. D’ailleurs, elles n’ont qu’à bien se tenir, s’habiller correctement et éviter de provoquer tout le monde en se promenant dénudée ». C’était en période caniculaire, très chaud comme actuellement ! Ces paroles avaient choqué toute l’Italie. Un meurtrier pourra toujours dire : «  Je l’ai tué parce que c’est lui qui m’a provoqué ». Pensez aux conflits dans le monde. On a toujours une bonne raison pour bombarder le voisin Israélien ou Palestinien, Américain contre l’Iranien, le sud et le nord-Coréen…. Le Wallon et le Flamand… le Tutsi et le Hutu trouveront toujours une bonne raison pour se haïr… Vous pouvez poursuivre la liste et chacun peut trouver dans sa propre vie, parmi ses voisins, dans sa famille, parmi ses collègues comment nous essayons de justifier et excuser nos haines et à nos bêtises. Les prêtres en font l’expérience dans le sacrement de réconciliation ! Combien de fois nous allons confesser un péché tout en nous justifiant et en nous excusant, en essayant de trouver des circonstances atténuantes justifiant notre péché : « Je ne lui adresse plus la parole parce qu’il m’a critiqué, je l’ai trahi parce qu’il a été le premier à me trahir, je l’ai blessé pour qu’il sente aussi combien ça fait mal quand il blesse les autres… »

C’est ce raisonnement de vengeance qui anime le cœur de Jacques et Jean, et c’est cela que le Seigneur veut guérir en eux et en chacun de nous. Devant le refus des Samaritains, Jacques et Jean suivent la logique de l’œil pour œil et dent pour dent. L’Évangile nous dit que Jésus les interpella vivement… et se dirigea vers un autre village. En réagissant ainsi, Jésus, qui est juif, prend la défense des Samaritains, qui étaient historiquement les ennemis des juifs. Il défend ceux qui ne pensent pas comme lui et nous invite à abandonner la logique qui dit que les ennemis doivent se combattre et s’éliminer mutuellement, pour que le plus fort gagne. Jésus veut éliminer le concept même d’ennemi. Il cherche un autre village, il fuit la violence, prend une autre route, une autre voie, qui nous empêche de sombrer dans le cercle vicieux et l’engrenage de la vengeance et la rancœur, pour mettre la paix dans les cœurs. Un prêtre, lors d’un enseignement de carême nous disait « Nous ne sommes pas les responsables des blessures qui nous sont faites, celles que nous subissons, mais nous sommes responsables de ce que nous décidons d’en faire : la vengeance, la rancœur, ou alors le pardon et la paix ». Jésus a choisi la voie de la paix et c’est cela que nous sommes appelés à choisir si nous voulons résolument le suivre jusqu’au bout.

Et c’est cela le deuxième enseignement de cet évangile ! Suivre Jésus jusqu’au bout n’est pas facile. Jésus lui-même l’atteste et nous le voyons dans la deuxième partie de l’évangile : « En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. ». Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » Il dit à un autre : « Suis-moi. » L’homme répondit : « Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. ».

Ces paroles sont dures pour nous aujourd’hui. Mais elles l’étaient aussi pour les apôtres. Avec la métaphore des renards et des oiseaux, Jésus parle de sa personne et de sa mission menacées par le pouvoir politique et religieux. Il est toujours sur cette route vers Jérusalem, lieu du refus, de la condamnation et de la mort. Suivre Jésus sur ce chemin, c’est accepter le refus, accepter de ne pas être aimé par tout le monde, les dangers et même la précarité. La tranquillité et la facilité ne font pas partie du chemin de Jésus. Un disciple du Christ ne sera jamais tranquille !

Nous pensons que la foi chrétienne est quelque chose de toujours confortable, de joyeux, un soutien pour la vie… Mais l’évangile nous dit que la foi en Dieu est un projet qui n’assure pas une existence tranquille, une vie de facilité. L’expérience de la foi est une joyeuse, sainte et saine fatigue qui nous ouvre toujours de nouveaux horizons, de nouvelles routes, avec le risque d’être refusé, jeté et persécuté. Malheureusement, nous choisissons plus souvent ce qui nous convient, ce qui est plus facile, plus light, sans contrainte ni sérieux engagements, sans devoir, sans obligation, ni sacrifice… Ces éléments font pourtant partie de la foi, parce qu’ils font partie de la vie de chaque jour, et c’est chaque jour qu’il faut suivre Jésus, dans un oui, une liberté toujours généreuse et renouvelée.

Si tout ceci vaut pour ceux qui consacrent leur vie au Seigneur dans la vie sacerdotale et religieuse, ça vaut tout autant pour chaque baptisé : Suivre Jésus, c’est abandonner nos propres schèmes de pensée, notre manière purement rationnelle de voir le monde et les événements pour remplir son cœur d’Amour et aller à l’aventure, une aventure de foi dont seul le Seigneur connaît l’itinéraire et les étapes… et qui rend les hommes et les femmes plus fraternels et plus pacifiés. Puisse Jésus nous guérir de nos rancœurs et nous donne un cœur plein d’amour pour lui-même et pour ceux que nous côtoyons chaque jour. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial