C – 16 TO – « Savoir accueillir comme Abraham, Marthe et Marie »

2019-07-23T21:30:23+01:0022 juillet 2019|

Mes chers frères et sœurs !

J’ai  lu la Parole de Dieu ce samedi matin 20 juillet, après avoir écouté les informations  sur RFI  vers 6h30. Cette actualité a plus ou moins orienté ma méditation. Parmi les grandes nouvelles de l’actualité, était soulignée à la une la victoire de l’Algérie lors de la finale de la  CAN en Egypte, en battant le Sénégal 1-0. Il y avait donc, dans les rues, en France, en Europe, en Egypte, et en Algérie, beaucoup de drapeaux algériens et une foule nombreuse faisant la fête ! Je n’ai pas entendu parler de « casse » et c’est une très bonne nouvelle !

Mais il y a eu d’autres nouvelles qui m’ont le plus touché et qui sont liées : c’est le nombre des migrants qui a doublé cette année en Tunisie et la réunion des ministres de l’intérieur des pays de l’UE à Helsinkioù ils n’ont pas pu se mettre d’accord sur les modalités de solidarité entre les pays de l’UE pour mieux accueillir les migrants et réfugiés dans l’UE.

Alors, me sont revenues à l’esprit les paroles du pape François, lors de sa grande  visite aux immigrés à Lampedusa et qui ne cesse de nous repéter encore aujourd’hui que « nous devons globaliser et mondialiser l’amour et non pas l’indifférence ». Nous sommes appelés à nous faire le prochain des autres, en particuliers des exclus, des pauvres et des étrangers, comme dimanche dernier dans la parabole du bon samaritain. Nos sociétés devraient apprendre à pleurer et se pencher sur les misères et les souffrances qui nous entourent et celles du monde, en réagissant avec nos tripes,  notre cœur, et non pas d’abord par notre raison. Nous les chrétiens, plus que tout autre personne, nous sommes appelés à nous mettre à l’école du Christ : c’est lui le Bon Samaritain qui verse sur nos plaies et blessures l’huile de la consolation et le vin de l’espérance. Jésus ne poursuit pas sa route en faisant semblant de ne pas  nous voir comme le prêtre et le lévite de la parabole que nous avons écouté dimanche dernier. Il ne se demande pas si nos plaies et blessures ne sont pas les conséquences de nos mauvais choix de vie. Il  n’a pas peur de se salir les mains pour nous venir en aide, parce que ce qui compte pour lui, c’est de prendre soin de nous.

Il nous demande à notre tour de prendre soin les uns des autres. Soignés et guéris par le Christ, les chrétiens sont à leur tour rendus capables de tendresse et de miséricorde envers les autres. Nous serons ainsi capable d’accueillir le Christ dans notre maison, comme Abraham qui accueille avec joie ces trois personnages en leur disant : « Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre. Il dit : « Mon seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. Permettez que l’on vous apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre.  Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ces trois personnages sont la préfiguration des trois Divines de la Trinité sainte qui lui renouvellent  la promesse d’avoir un enfant avec Sara. Quand on ouvre sa maison aux autres, en particulier aux étrangers et aux pauvres, on accueille le Seigneur : « j’étais un étranger, vous m’avez accueilli… Chaque fois que vous l’avez fait à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! » nous dit le Seigneur. Si nous sommes accueillants et vivons l’hospitalité envers nos frères et sœurs, nous accueillons le Christ comme Marie et Marthe de Béthanie. Accueillir Dieu, ouvrir son cœur et sa maison à Jésus permet de devenir fécond comme  Abraham et Sara pour initier une nouvelle vie.

Qu’est-ce qui se passe à Béthanie ? On peut s’imaginer la scène. Nous sommes en fin d’après-midi, après une journée caniculaire comme celle que nous vivons ce été. Jésus a beaucoup marché pour rejoindre Béthanie. Nous ignorons depuis combien de temps ils se connaissent, mais nous savons que Jésus est très ami avec Marthe et Marie qui ont presque le même âge que lui. Pour Jésus, Béthanie, la maison de Marthe et Marie est une  sorte d’endroit où Jésus « devient vraiment un homme normal » : loin des  foules, des apôtres et des disciple, Jésus  retrouve des amis personnels dans cette famille.

La maison de Marthe et Marie me fait penser parfois à ces familles où un prêtre peut aller, invité ou pas, quel que soit l’heure, pour se poser, en short, en polo, bermuda, en chemise hawai, prendre un café, une bière ou un verre de vin, manger sans chichi, rire, pleurer ou craquer sans avoir honte d’être un homme normal, discuter de tout et de rien, sans être interroger sur la dernière polémique théologico-pastorale ou la dernière crise dans l’Eglise…Bref, toutes ces maisons où le prêtre peut prendre un petit bol d’air frais, amical et fraternel sans prise de tête. A Béthanie, Jésus oublie la tension  et les intrigues de Jérusalem, peut parler librement, se sent vraiment accueilli, met de côté ses fonctions de rabbi, oubliait les accusations de Jérusalem pour, pendant une soirée, retrouver le plaisir  simple et profond de l’amitié et de la complicité.

Jésus voudrait que nous ayons ce même type de relation simple avec lui. Il veut que nous l’invitions, préparer notre maison pour l’accueillir, s’asseoir avec lui, avec simplicité, rire et plaisanter avec lui. Dans cet extrait qui nous parle d’hospitalité amicale et simple, Jésus nous apprend à ne pas compliquer nos relations avec lui et avec les autres. Quand je vois certains chrétiens, je me dis qu’ils doivent avoir beaucoup de mal à entrer en relation avec Jésus. Alors que Jésus veut de la simplicité et de la vérité, pour certains chrétiens, il faut que tout soit compliqué avec Dieu et avec les autres. C’est comme si, pour eux, plus c’est compliqué,  mieux c’est !… On complique la relation avec sa propre famille, ses proches, ses voisins, les membres de la communauté…. On dirait même que les relations difficiles et compliquées  constituent un boosteurde vie pour certaines personnes. Cela fait fuir Jésus. Essayons de retrouver la profondeur simple et vraie de la foi, la simplicité dans nos liturgies, nos prières, dans notre relation avec Dieu et avec les autres, comme nous le contemplons à travers cette amitié entre Jésus et les sœurs de Lazare.

Ecoute et action, contemplation et activité est un autre enseignement de cette rencontre de Béthanie. Marie écoute le Seigneur, assise à ses pieds, comme faisaient tous les disciples en présence d’un rabbin. Marthe elle, se charge de la logistique : comment mieux accueillir Jésus. Marthe et Marie représente deux dimensions de la vie intérieure que nous avons tendance à opposer, alors qu’elles doivent aller de pair et se complètent et s’enrichissent mutuellement ! C’est la prière et l’action. La prière nous envoie forcement à agir et notre action, pour être vraiment féconde, trouve sa source et sa motivation première dans la prière.  Rappelons-nous que la devise bénédictine donnée par saint Benoit lui-même dans sa Règne est « Ora et labora » (prière et travail). Dans un monastère ou abbaye, la vie est rythmée par la prière et le travail.

Marie, dans cet évangile, représente la nécessité d’écouter la Parole de Dieu, la garder dans notre cœur, s’en abreuver. Chaque chrétien doit dire chaque jour « parle Seigneur, ton serviteur, ta servante t’écoute » L’origine de chaque vie de foi, le cœur de toute expérience religieuse est et reste la rencontre intime et mystérieuse avec la Parole de Dieu.  Dans nos vies tellement mouvementées, stressantes et remplies, retrouvons le goût de la prière et du silence comme source de sérénité et de joie !

Marthe réalise la béatitude de l’accueil, de l’hospitalité, d’un amour qui se fait concret. Elle sait que l’écoute de la Parole de Dieu est importante, mais elle sait aussi que si la prière ne change pas concrètement notre vie, celle-ci reste stérile et inféconde. Par son action, Marthe nourrit le Christ que sa sœur Marie adore. Une prière réellement authentique débouche forcement sur le service des frères. Si notre charité, notre activité, notre apostolat, notre mission ne trouvent pas leur source et leur accomplissement dans la prière, ils deviennent stériles et asséchants. Jésus ne demande pas à Marthe d’arrêter de faire la cuisine : il lui demande de ne pas s’agiter et d’arrêter de râler, de récriminer et de fonder son action dans l’écoute. A travers ces deux visages de Marthe et Marie, Jésus nous apprend comment doit être conduite notre vie de foi. Demandons la grâce d’être des hommes et femmes qui sachent à la fois conjuguer vie intérieure et  travail, mission, engagement, service dans l’Eglise et dans le monde. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial