C – 18 TO – « Toute richesse matérielle est marquée par la finitude, seule la vie éternelle ne passera pas. »

2019-08-12T09:36:46+01:0012 août 2019|

Mes chers frères et sœurs ! Ces derniers dimanches, nous avons été bien gâtés par saint Luc. Après le bon Samaritain, Marthe et Marie, la prière du Seigneur ou le Notre-Père reçue de Jésus lui-même, avec tout son enseignement sur l’importance de la prière avec une confiance filiale dans le Père, la Parole de Dieu de ce dimanche nous parle d’une thématique déjà présente implicitement ces trois derniers dimanche : l’usage des biens matériels. Vous vous demandez quel lien y a-t-il entre ces différents évangiles ? Quel lien entre la charité concrète du Samaritain et le repas délicieux que Jésus a partagé chez les sœurs de Lazare à Béthanie ? Quel lien avec le pain quotidien que nous demandons dans le Notre Père reçu dimanche ? Le point commun entre ces différents évangiles et celui de ce dimanche, c’est l’aspect incarné, quotidien et concret de nos choix et de nos relations, dans le rapport délicat avec les choses matérielles, l’argent, la richesse.

Faisons une petite enquête pour savoir qui parmi nous n’a jamais eu des soucis avec l’argent ? Il est certain, si nous sommes honnêtes -et même moi qui vous parle-, nous avons tous été confrontés un jour à la question de la gestion, de l’absence, du manque, des conflits et tensions en lien avec l’argent ou les biens matériels. Comme je vous disais dimanche dernier, Abraham et Loth son neveu s’étaient brouillés à cause de la gestion de leur troupeau et ils ont dû se séparer et c’est à ce moment-là que Loth est allé vivre à Sodome. Être en conflit à cause de l’argent, de l’héritage ou des biens matériels est une question aussi vieille que le monde. Dans cet évangile, un monsieur demande à Jésus d’être un médiateur dans un conflit d’héritage. Cela peut nous choquer, mais Jésus décline l’offre !

Combien d’amitiés cassées à cause de l’argent, des liens familiaux transformés en haine viscérale pour quelques mètres carrés d’appartement, hectares de terre ou même quelques meubles laissés par les parents décédés ? J’ai encore en mémoire les larmes et la profonde tristesse de cette jeune adolescente de l’aumônerie qui, au moment de la retraite de profession de foi, est venue confier en confession cette haine viscérale entre son père et son oncle à cause de l’héritage… ce qui la privait de ses cousins et cousines qu’elle ne pouvait plus voir alors qu’ils habitaient à moins de 10km les uns des autres. Pensez à la guerre que se font les époux parfois, quand malheureusement survient le divorce, pour le partage des biens matériels.

Soyons clairs cependant : en famille comme entre amis, il faut qu’il y ait de la justice et de l’équité, avant de les transformer en solidarité ! On ne peut pas, au nom de l’amitié, accepter de subir l’injustice de quelques membres de famille. C’est pour cette raison que parfois, il nous faut mettre les pieds dans les plats pour ne pas laisser certains amis ou parents écraser et étouffer les autres. Cela, il faut le faire d’abord directement en famille et éviter de le résoudre devant des juges car tout le monde finit par y perdre !

A la demande qui lui est faite d’être médiateur dans un conflit d’héritage, Jésus refuse de se mêler à cette affaire parce que nous pouvons « par nous-mêmes discerner pour distinguer ce qui est juste » de ce qui ne l’est pas. Il refuse parce que Dieu nous a créés suffisamment intelligents pour résoudre toutes nos questions pratiques. Jésus refuse parce qu’on ne doit pas demander à Dieu de faire à notre place ce que nous sommes capables de faire. Jésus refuse parce qu’il nous traite comme des adultes, et pas comme ces gamins qui doivent toujours avoir recours aux parents ou à la maîtresse pour résoudre leurs petits malheurs, leurs conflits pour un jouets ou le partage du goûter. Jésus refuse parce qu’il nous fait confiance : nous sommes suffisamment, tellement intelligents pour prendre soin les uns des autres, pour savoir que l’injustice peut causer des guerres et des conflits, que l’égoïsme conduit le monde à sa disparition, que nous consommons plus que notre planète ne peut produire… La Bible nous dit que Dieu est le Créateur, qu’Il est à l’origine de tout ce qui existe, mais que la gestion de toute la création est laissée à la liberté et responsabilité de chaque humain. Inutile de faire une thèse en exégèse ni en théologie biblique pour comprendre ce qui est bon pour l’économie, la justice, la paix, la solidarité : il suffit d’écouter notre cœur, de suivre notre conscience quand celle-ci est éclairée.

Jésus sait que derrière la demande qui lui est faite d’être un médiateur, il y a un conflit autour de l’argent. Il en profite alors pour faire un petit enseignement sur la richesse. Si nous sommes honnêtes, nous confesserons cette pudeur presque naturelle que nous éprouvons devant l’argent que nous considérons, surtout dans les milieux catholiques, comme quelque chose d’un « peu dangereux », « d’un peu sale », « d’un peu ambiguë ». Nous sommes embarrassés et gênés pour parler d’argent, du salaire… raison pour laquelle nous n’en parlons pas assez, même quand il faut donner au Denier de l’Église. Nous suspectons facilement celui qui est riche et l’accusons très facilement d’être malhonnête comme ceux qui qualifient les patrons de « pourris ».

Ce n’est pas cela que Jésus nous dit dans cette parabole. Il ne dit pas que la richesse est sale ou impure. Il dit simplement que la richesse est dangereuse. Il suffit de regarder ce « pauvre-homme-riche » de la parabole : un grand travailleur. Il n’est pas décrit comme malhonnête ! Nous éprouvons d’ailleurs un peu de sympathie envers ce grand travailleur qui veut profiter tranquillement du fruit de son labeur. Sa mort annoncée n’est pas une punition, mais un événement possible, toujours dans l’ordre des choses parce que toutes les créatures finissent naturellement par mourir. Pourquoi va-t-il mourir ? Quelles sont les causes de sa mort  annoncée ? Trop de stress, trop de travail, trop de cigarette, d’alcool, de drogue, trop de pollution, la maladie, une fusillade comme celle survenue cette nuit à El Paso au Texas… sont peut-être à l’origine de sa mort qui n’est pas une punition de Dieu.

Jésus nous avertit : la richesse promet ce qu’elle ne peut jamais donner. C’est illusoire de penser que posséder beaucoup de bien comblera notre cœur ! C’est cela que la sagesse de Qohèleth nous dit : « En effet, que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? Tous ses jours sont autant de souffrances, ses occupations sont autant de tourments : même la nuit, son cœur n’a pas de repos. Cela aussi n’est que vanité. » Alors, inutile de chercher à accumuler des richesses terrestres, mais, comme dit Jésus, cherchons d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste nous sera donné en surcroît. Nous sommes appelés à changer profondément de stratégie et de priorité, comme nous le dit saint Paul : « Frères,  si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. »

Vouloir combler la soif profonde de notre cœur avec les biens terrestres, c’est comme celui a tellement soif qu’il risque de s’abreuver d’eau insalubre. En chacun de nous il y a une soif d’absolu que seul Dieu peut combler. A nous de discerner ce qui est vraiment essentiel et important, se rappeler que nous sommes tous pèlerins, que la richesse peut être trompeuse, que celui qui a reçu de la Providence un peu de richesse économique s’en serve pour accumuler un peu de trésors au ciel en aidant les frères et sœurs pauvres, comme dit cette bénédiction finale de la célébration du mariage: « Soyez dans le monde des témoins de l’amour de Dieu : Ouvrez votre porte aux malheureux et aux pauvres qui vous recevront un jour avec reconnaissance dans la maison du Père ».

Au lieu de nous faire des leçons de morale sur la richesse ou la pauvreté, Jésus appelle chacun de nous à un sérieux examen de conscience sur son rapport à la richesse. Au lieu de nous culpabiliser inutilement, Jésus nous rappelle que toute richesse matérielle est marquée par la finitude… et que seule la vie éternelle ne passera pas. Que le Saint Esprit nous soit donné pour discerner ce qui est essentiel, important… dans notre vie : notre cœur n’a pas besoin d’être rempli par un compte en banque… Notre cœur a fondamentalement besoin d’être rempli par l’Amour : celui qui nous vient de Dieu et que nous devons témoigner entre nous pendant notre pèlerinage ici-bas, étant tous enfants du même Père qui nous promet le bonheur de la vie éternelle, si nous l’accueillons chaque jour. Amen.