C – 5è dimanche de Pâques – « Si nous enracinons chaque jour notre vie dans le Seigneur, Il nous rend capables d’aimer comme lui. »

2019-05-26T20:29:54+01:0020 mai 2019|

Mes chers frères et sœurs ! Vous avez certainement tous fait du catéchisme, et j’imagine évidemment que vous connaissez par cœur tous les commandements de Dieu tels qu’ils nous sont transmis par Dieu, à travers Moïse. Par contre, si l’on fait un test dans cette Église, très peu parmi nous, les fidèles catholiques, seront capables de répéter par cœur les Dix Commandement de Dieu (le Décalogue). Pourquoi ? Parce qu’à un certain moment dans l’histoire de notre pays, le catéchisme et l’aumônerie s’est transformé en un lieu convivial où l’on dessinait des petits cœurs… pour dire à Jésus que nous l’aimions… mais sans se préoccuper de la transmission de la doctrine. Un ancien séminariste me partageait l’expérience infantilisante dans son aumônerie en terminale où il n’apprenait rien de la foi chrétienne, sauf « littéralement apprendre quelques chansons de JC Gianadda et de Yannick Noah et dessiner des cœurs ». Le résultat de cette méthode, c’est un grand déficit dans la connaissance doctrinale chrétienne chez beaucoup de Catholiques aujourd’hui… L’Église essaye de réparer cela aujourd’hui, mais la tâche est vraiment immense !

Sachez que dans certains pays, comme jadis ici en France, au catéchisme, les enfants apprennent par cœur les commandements, les sacrements, les livres de la Bible… Il y a un contenu doctrinal minimum qu’un enfant ou un adulte doit apprendre avant d’être admis aux sacrements de l’initiation chrétienne. Au bout du cheminement catéchuménal, une sorte d’examen est fait pour voir si les catéchumènes ou les enfants du catéchisme sont bien au clair avec la doctrine. L’exagération de cette méthode est de faire du catéchisme scolaire, très intellectuel comme ce curé qui, à l’examen, au fin fond du Congo, demandait à un enfant de 9 ans le nom de famille du saint pape Jean Paul II.

Revenons aux Dix commandements. Ils ont été donnés au peuple d’Israël par Dieu, à travers Moïse…et tout le code législatif juif est une interprétation du Décalogue. Plusieurs fois d’ailleurs, Jésus lui-même a rappelé que tout juif devait respecter la Loi et les prophètes : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux » (Mt 5, 17-19) Nous voyons donc comment Jésus devient lui-même le défenseur et l’interprète de la Loi de Moïse qu’il invitait à respecter.

Saint Jean nous décrit la dernière soirée et les échanges que Jésus a -avant de mourir- avec ses disciples « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » C’est le testament que Jésus laisse à ses disciples pendant la Dernière Cène. Ces paroles viennent expliciter une des deux facettes de l’unique commandement que Jésus a laissé à ses disciples. Vous vous rappelez bien qu’auparavant, dans la foule qui l’entourait, quelqu’un avait demandé à Jésus quel était le premier commandement : Un scribe qui avait entendu la discussion, et remarqué que Jésus avait bien répondu, s’avança pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? »Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.  Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Ceci nous est raconté dans l’évangile selon saint Marc (12, 29-31)

Ceci nous dit qu’il n’existe qu’un unique commandement, dont le Décalogue est l’application concrète : aimer Dieu en aimant son prochain. En d’autres termes, il ne suffit pas de dire que nous aimons Dieu pour que cela soit vrai. Nous sommes appelés à le vérifier. Saint Jean nous le rappelle dans sa première lettre : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère. » (1 Jn 4, 20-21). Nous sommes appelés à vérifier la vérité de notre amour en aimant nos frères et sœurs que Jésus lui-même a aimés en premier, car ils sont tous les enfants bien-aimés de Dieu.

Dans la foi chrétienne, l’amour du prochain sera le critère du jugement dernier, comme Jésus nous le rappelle encore dans l’évangile selon saint Matthieu : « “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”…. chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,34-36)

Bref, dans la foi chrétienne, ce qui compte vraiment, ce n’est pas la rhétorique, la théorie, mais bien la pratique, les preuves, des faits ! D’ailleurs, saint Jean nous rappelle que nous devons aimer non pas en parole ni par des discours, mais en acte et en vérité. Et un artiste Congolais qui rappelle dans une de ses chansons que l’amour n’existe pas, mais qu’il n’y a que des preuves d’amour ! Avouons que nous disons et entendons à longueur de journées des gens qui se déclarent l’amour fou…mais qui sont incapables d’en donner la moindre preuve concrète.

Donc, en matière d’amour, ce qui compte, c’est la pratique, les faits concrets. Du coup, nous pouvons nous demander : jusqu’à quel point ce commandement de l’amour doit-il nous engager ? Combien ? Quand ? Qui aimer ? Nous lisons dans l’évangile que même un verre d’eau donné à celui qui a soif ne restera pas sans récompense ! Il ne suffit donc pas d’aimer nos parents, nos amis, nos proches, les personnes sympathiques, notre équipe favorite ? Toutes ces questions risquent de nous perdre. Jésus lui-même a donné une réponse claire à toutes ces questions : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres ». La mesure de l’amour, c’est Jésus lui-même. C’est lui qui, en premier, a aimé tous les hommes. Ensuite, Jésus n’a pas aimé par convenance, en calculant l’avantage qu’il en aurait retiré. En troisième lui, il a aimé de tout son être jusqu’à donner sa propre vie, comme il nous dit : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ! »

C’est seulement dans cette perspective que son commandement devient vraiment nouveau. En effet, avant Jésus, les humains savaient aimer, et même aujourd’hui encore, sans être chrétien, l’être humain est capable d’aimer. Le seul problème, c’est que de nous-même, nous ne pouvons aimer qu’avec quelques réserves, un peu de calculs, d’égoïsme… Pour nous, c’est souvent : « J’aime untel, mais pas l’autre ! J’aime, quand ça me convient, quand cela ne me coûte pas, quand je veux ». La nouveauté de Jésus est dans l’abolition de la réserve, de l’égoïsme, des frontières, des conditions, du petit calcul pour vivre l’amour comme un don total de soi. Cela n’est certes pas facile pour nous tous qui devons composer avec notre humanité fragile et égoïste. Pour cela, Jésus nous a laissé son aide dans sa Parole, les sacrements, son exemple et tous les saints qui, avant nous, ont essayé de l’imiter. Si d’autres ont su aimer comme Jésus, pourquoi ne le puis-je pas moi aussi ? Et saint Paul nous dit : « Je peux tout en Celui qui me donne la force. » (Phil 4, 13). Si nous enracinons chaque jour notre vie dans le Seigneur, Il nous rend capables d’aimer comme lui.

Pour finir, écoutons encore le Seigneur nous dire ceci : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » Si nous avons de l’amour les uns envers les autres, l’Église, notre communauté, devient réellement une belle communauté, qui donne envie, attrayante et rayonnante. Récemment, j’ai rencontré quelqu’un qui avait fui sa communauté paroissiale pour une communauté plus petite en disant que là, il avait trouvé des chrétiens qui lui donnaient envie car ils s’aiment et savent accueillir les nouveaux qui arrivent. On disait des premiers chrétiens : « Voyez comme ils s’aiment ». Nous pourrons faire les catéchèses les plus extraordinaires, les plus intelligentes et savantes, mais si nous ne nous aimons pas, notre communauté ne sera jamais attrayante. Le pape François nous rappelle que l’Église grandit par attraction et non pas par prosélytisme. C’est par l’amour que nous serons reconnus comme disciples missionnaires, non pas par nos dévotions, nos prières, nos signes extérieurs, nos organisations et nos structures. Que cette Eucharistie nous donne d’aimer comme Jésus que nous allons recevoir pour le glorifier par notre vie concrète et quotidienne. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial