C – Divine Miséricorde – « Thomas : saint patron des enthousiastes… et de ceux qui ne se croient pas meilleurs que les autres »

2019-04-28T09:54:45+01:0028 avril 2019|

Mes chers frères et sœurs ! Pour nous aujourd’hui, la foi en la résurrection est presque évidente ! Quoique ! Il paraît que plus de 50% des catholiques pratiquants en France ne croient pas en la résurrection, qu’ils confondent parfois avec la réincarnation. Ça, c’est un autre débat ! Je suppose que comme moi, ce qui fonde votre foi, c’est la mort et la résurrection de Jésus. Cependant, mettons-nous un peu à la place des apôtres pour comprendre leur désarroi. Après la dernière Cène, ils l’ont vu arrêté, jugé, flagellé, crucifié et mis à mort au Golgotha. Personne parmi eux n’a eu le courage de le suivre, le réconforter, sauf le plus jeune parmi eux avec quelques femmes restés au pied de la croix. Alors, dans leur cœur, il y a trop de culpabilité, de remords et de tristesse.

Ce matin de Pâques, une rumeur commence à se répandre qu’il est ressuscité. Le tombeau a été retrouvé vide par des femmes, Pierre et Jean mais ils n’ont pas trouvé le corps. Les disciples ne savent que penser. Leur moral vacille entre des moments de joie, d’enthousiasme et des doutes, de la fatigue. Tout ceci les perturbe, ils ont tellement peur qu’ils sont allés s’enfermer dans la salle où ils avaient célébré la sainte Cène avec Jésus. Trop, tout ça ! Ils n’en peuvent plus ! La nouvelle de la résurrection de Jésus ? C’est tellement gros, radical, nouveau, inattendu, tellement excessif pour être vrai !

Il est vraiment ressuscité ? Mais alors ! Les femmes leur ont raconté leur vision d’anges au matin de Pâques, mais ils ne les ont pas crues ! « Difficile de croire tout ce que peuvent raconter les femmes qui s’imaginent des choses. Les femmes sont tellement instables émotionnellement qu’il faut prendre cette nouvelle avec des pincettes », pensent les apôtres. « Mais, Cléophas et son compagnon d’Emmaüs ont aussi parlé de leur étrange rencontre sur la route »… « Simon Pierre, peu enclin aux bavardages, est fermé dans ce mutisme qui le caractérise depuis le jeudi saint. Il leur a pourtant dit qu’il a rencontré Jésus vivant. La ficelle est trop grosse ! » Les apôtres sont dans une sorte de débat et de discussion sans fin, enfermés !

C’est là que Jésus leur apparaît ! Inutile de parler de foi ! Tellement évident, massif ! C’est bien lui, Jésus. Une « hard data », une donnée solide et évidente devant laquelle on s’incline.

Jésus est là présent physiquement, vivant, et leur parle. Sa présence n’appelle pas la foi, mais à la constatation, quelque chose de phénoménologique qui refuse le doute.

Et pourtant, la foi est le protagoniste du dimanche de la Divine Miséricorde, avec un acteur d’exception : l’apôtre saint Thomas, le croyant, pas l’incrédule comme on l’appelle souvent. Mais que veut vraiment dire « croire » ? En Français, ce concept est ambigu car il peut signifier « doute ». Par exemple, « je crois qu’il fera beau demain », « je crois qu’il, qu’elle m’aime » qui signifie que je ne suis pas si sûr, que j’ai quelques doutes. Dans la Bible par contre, pour décrire l’acte de foi, on utilise en hébreu deux verbes « Aman » et « hatah » qui indiquent un point d’appui sûr, une certitude absolue. Ce qui a donné naissance à notre affirmation « amen » qui signifie « j’en suis certain ». Croire signifie s’appuyer sur quelque chose de solide, faire confiance à quelqu’un qui est digne de confiance. En ce sens, Thomas ne croit pas, pas plus que les autres apôtres !

Ce sur quoi Thomas s’appuyait s’est écroulé le vendredi saint. Son enthousiasme s’est éteint ! Tout semble perdu, le Royaume attendu devient une illusion. Il n’a plus des certitudes parce que la mort en croix les a toutes balayées ! Cela nous arrive parfois. Ça veut dire qu’il est parfois providentiel, nécessaire et préférable que certaines certitudes sur lesquelles nous appuyons notre foi puissent s’écrouler parce que trop fragiles et inconsistantes. Thomas ne le sait pas encore, mais bientôt sa foi va renaître, une renaissance qui s’appuiera sur la prédication de Jésus et non plus sur les projets que Thomas lui-même avait élaborés.

Une fois écroulée, nous voici prêt pour la vraie foi qui signifie aussi faire confiance en quelqu’un. Thomas ne fait plus confiance en ses compagnons, ni dans l’Église. Pourtant, c’est à ses compagnons et à cette Église auxquels il ne fait plus confiance et dont il se méfie, comme beaucoup parmi nous aujourd’hui, que l’annonce de la résurrection est confiée. Mais comment les croire alors qu’ils s’étaient tous montrés lâches et incohérents comme lui-même ! C’est vrai , Thomas a raison ! Comment croire en l’évangile si l’Église qui le proclame et l’enseigne n’en témoigne pas dans sa vie, quand elle pose parfois carrément des actes contraire à l’Évangile ?

Une chose importante est à souligner ici. Thomas ne s’en va pas ! Il ne quitte pas la barque même si le message de la résurrection est confié à cette Église et à ses disciples trop fragiles. Thomas ne comprend pas, mais il reste là, il ne part pas pour fonder une Église alternative comme tous ces faux pasteurs des sectes qui vont de schismes en schismes, fondent une nouvelle secte chaque fois qu’ils ne sont plus d’accord. Ne se sentant pas meilleur que les autres, Thomas reste avec eux. Le fait de rester dans l’Église, en communauté, avec les autres, même quand on est blessé, est une des meilleures décisions prises par Thomas parce que 8 jours après, le Maître revient seulement pour lui. Voici le ressuscité présent, léger, splendide, le visage radieux et serein dont émane une grâce qui apaise. « La paix soit avec vous ». Les autres le reconnaissent et vibrent de joie ! Il y a huit jours, ils l’ont vu en l’absence de Thomas. Ce dernier lui, encore blessé, le regarde abasourdi. Le Seigneur s’approche de Thomas, lui montre ses mains et son côté transpercé ! Thomas craque ! Sa colère, sa douleur, sa peur, tout cela fond comme la neige au contact de la chaleur du soleil. Le voici à genou, en adoration, embrassant les plaies du Seigneur. Il pleure de joie, de foi et rit : « Mon Seigneur et mon Dieu »

Saint Thomas est le saint patron de tous les enthousiastes dont le cœur bat fort au-delà des obstacles et des blessures, ceux qui croient que Jésus vient à notre secours quand nous sommes perdus, quand nous sommes tombés au plus bas dans notre vie. Saint Thomas est le saint patron de ceux qui, comme aujourd’hui, sont profondément choqués, blessés et scandalisés, ceux qui ont perdu confiance dans les disciples du Christ et dans l’Église…mais qui ont choisi de ne pas être débaptisés, de ne pas enfermer ni l’Église, ni les disciples dans leurs fragilités, mais qui fixent leur regard sur le Christ Ressuscité dont ils professent la foi, avec et au milieu des autres chrétiens, tous pécheurs et indignes. Thomas est le saint patron de ceux qui ne se sentent pas meilleurs même quand ils s’aperçoivent des fragilités des autres, en matière de foi ou de morale, mais qui choisissent de rester, d’aimer la communauté, la famille ecclésiale, fidèles au Christ Jésus qui nous appelle à nous convertir dans l’Église et personnellement. L’apôtre Thomas est le saint le patron des disciples qui aiment l’adoration. Il est le premier, parmi les apôtres, à avoir professé la divinité du Christ Ressuscité « Mon Seigneur et mon Dieu » et qui nous invite à la spontanéité dans la profession de notre foi en Jésus Ressuscité, vivant à jamais. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial