Homélie de Père Arsène (17ème TO) 25/07/2021. « Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives. »

2021-07-26T08:43:20+01:0026 juillet 2021|

Se supporter les uns les autres, avec beaucoup de patience et de douceur, se compléter, se solidariser, s’accepter différent mais complémentaire, vivre comme une seule et unique personne, en un mot être unis, voilà ce à quoi nous invitent et devraient nous conduire les célébrations eucharistiques que nous vivons au quotidien. Bien que l’Apôtre Jean, dans l’Évangile de ce dimanche, veuille nous faire découvrir, dans la multiplication des pains, l’annonce de l’Eucharistie ; ce sacrement que Jésus créa le jour de la Saint Cène et dont les Apôtres et toute leur suite, jusqu’à nous aujourd’hui seront les dépositaires, il serait bien de regarder le plus près possible les détails de cet épisode pour comprendre que ce sacrement nous incite à l’unité, à la complémentarité et surtout au partage ou à la mise en commun de tout ce qui nous pouvons être ou posséder pour que personne ne souffre continuellement des manques cruels.

Au vu des signes qu’il accomplissait sur les malades, Jésus est suivi par une foule immense de personnes désireuses certainement de lui soumettre leurs problèmes, leurs souffrances, leurs maladies, leurs échecs, leurs difficultés de ménage, dans l’espoir de trouver vite la solution à leurs soucis. Il y en a peut-être aussi qui ne le suivent que par simple curiosité, vu les miracles qu’il accomplit. Mais Jésus, qui ne néglige aucune dimension de l’humain, constate que la foule qui le suit est affamée. Il lui faut donc la nourrir, comme il est en train de la nourrir de sa Parole, Parole de la vie Éternelle, comme le dira plus tard l’Apôtre Pierre : « A qui irions-nous Seigneur ? Tu as les Paroles de la vie Éternelle ».

Cette indication n’est pas donnée au hasard ; elle fait allusion au Jeudi Saint, institution de l’Eucharistie, quelques jours avant la Pâque. Pensons à ce sujet que lorsque nous disons dans la prière du Notre Père « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », nous demandons deux choses : que chacun puisse manger à sa faim mais aussi que chacun puisse recevoir le Pain supersubstantiel, comme dit l’adjectif grec επίουσίον, c’est-à-dire le pain, traduction partielle, quotidien, qui est en fait le Pain de Vie.

Dans cette lecture eucharistique que nous faisons de ce passage d’Évangile, nous voyons que Jésus fait volontairement participer ses disciples au miracle qu’il accomplit. Jésus aurait pu opérer tout seul ; Il ne procède pas ainsi. Il rend ses disciples participants de son action et sollicite également la participation de la foule. Il veut que ses disciples se préoccupent de ce problème : « Il dit à Philippe : Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? ». Puis c’est un autre disciple, André, qui va trouver le jeune garçon avec 5 pains et 2 poissons. Autrement dit, Jésus rend tout le monde participant du miracle qu’Il va accomplir. Tout le monde y a sa place et tout le monde a quelque chose à faire. Ces remarques nous montrent la pédagogie du Salut de Dieu. Bien sûr, Dieu peut nous sauver sans nous : sa toute-puissance le Lui permet. Mais, Il nous sauve en nous rendant acteur de notre salut et de celui de nos frères et sœurs. « Aide-toi et le Ciel t’aidera ! », vous connaissez tous ce proverbe. Dieu ne fait jamais les choses à notre place ; Il nous aide, Il les fait, mais à condition que nous collaborions et que nous participions, aussi peu cela soit-il. Derrière la collaboration des disciples que Jésus suscite, il y a aussi l’image de l’Église à qui Jésus demande d’accueillir les préoccupations des hommes de ce monde, mais aussi à qui Il donne la mission de répondre et donner ce Pain de Vie. Les disciples participent au miracle, ramassent le surplus et le conservent, image de l’Église qui donne sans compter et administre le sacrement de l’Eucharistie.

Pour accomplir cette multiplication des pains, Jésus part de 5 pains et de 2 poissons apportés par un jeune garçon. Qu’est-ce que cela à vue humaine quand Philippe déclare que « le salaire de deux cents journées de travail ne suffiront pas pour que chacun ait un petit morceau de pain ! » ? Dieu transforme ce que nous lui apportons. Ce qu’il nous demande, c’est de mettre le peu que nous avons. Ce qui implique d’être profondément humble, en vérité avec soi, de ne pas croire que nous pouvons tout, de reconnaître qu’en comptant sur nos seules forces ou ressources, nous n’y arriverons pas. Une offrande pauvre, humble, permet à Dieu de féconder par sa toute-puissance ce que nous apportons. Si nous sommes pleins de nous, Dieu ne pourra rien faire ; si nous n’apportons rien, Dieu ne pourra rien faire. A partir de cela, nous pouvons réfléchir non seulement sur notre vie chrétienne : qu’est-ce que j’offre à Dieu pour lui permette d’agir ? Qu’est-ce que je donne ? Mais nous pouvons aussi réfléchir sur notre manière de vivre l’offertoire pendant la messe. Qu’est-ce que j’offre spirituellement de ma vie, de ma semaine au cours de cette messe ? Si je n’offre rien, il ne faut pas attendre que Dieu me rende quelque chose en échange. La fécondité de notre participation à la messe, de notre communion dépend aussi de ce que nous donnons à Dieu. Et la manière dont nous vivons l’offertoire est à l’image de la manière dont nous offrons notre vie à Dieu.

Profitons des dimanches qui viennent pour méditer sur le don du Pain de Vie que Jésus fait à son Église. L’institution de l’Eucharistie n’est pas un aspect secondaire de la vie, de l’œuvre de Jésus et par conséquent de la vie de l’Église. Il est dommage qu’aujourd’hui, en certains endroits de l’Église, on se ferme au don de l’Eucharistie, présence réelle et corporelle de Jésus, en la mettant au même niveau que la Parole, qui n’est qu’une présence spirituelle de Jésus. Bien sûr, il ne faut pas opposer Parole de Dieu et Eucharistie, mais l’Eucharistie dépasse et accomplit la Parole. C’est la raison pour laquelle la liturgie de la Parole dans la messe précède et prépare la liturgie eucharistique.

Prions pour tous les chrétiens qui n’ont pas découvert la profondeur du Pain de Vie, nourriture de Dieu pour nous, et prions pour que chacun de nous découvre ce qu’il peut apporter à Dieu comme pain et poisson pour qu’il le transforme. Amen !