Chers Frères et sœurs,
Nous voici rassemblés en ce jour si particulier, porte d’entrée de la Semaine Sainte. En effet, nous sommes partagés entre la joie de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, et la tristesse de la Passion qui arrive.
Prenons quelques instants sur ces paroles : « Quand l’heure fut venue, il se mit à table, et les Apôtres avec lui. » (Luc 22, 14). C’est l’heure de la dernière Cène, l’heure où Jésus, conscient de ce qui l’attend, partage un ultime repas avec ceux qu’il aime. C’est l’heure de l’institution de l’Eucharistie, ce don inestimable, que le Christ nous a offert, où il se livre « Corps et Sang » pour le salut du monde, pour notre propre salut.
Puis, le récit bascule dans la tragédie : Le questionnement des disciples: « Est-ce moi, Seigneur ? » révèle la fragilité humaine face à la trahison. Pierre, avec sa fougue et sa faiblesse, promet fidélité avant de succomber à la peur.
Jésus, lui, affronte la solitude du Jardin des Oliviers, l’angoisse de la mort, la trahison de Judas, le reniement de Pierre, malgré ses prières pour lui, afin que sa foi ne défaille pas. (Lc 22,32). Ce qui, comme le pense Marie-Noëlle Thabut, est une suprême délicatesse de Jésus, qui aidera Pierre à se relever au lieu de sombrer dans le désespoir après sa trahison. Jésus affronte aussi l’injustice des procès, la violence de la flagellation et le poids accablant de la croix.
Frères et sœurs, ce récit de la Passion, vieux de deux mille ans, résonne, encore aujourd’hui, dans nos vies, dans notre monde ! Regardons autour de nous. Ne voyons-nous pas, chaque jour, des échos de cette souffrance ?
Pensons à toutes les formes de trahison qui blessent les relations humaines : la rupture de confiance, la calomnie, l’abandon… Pensons à la peur qui paralyse, qui pousse parfois, certain, à renier leurs convictions, à se taire face à l’injustice, à se détourner de ceux qui souffrent. Pensons à la violence qui déchire tant de nations, aux guerres fratricides, à la persécution des innocents. Pensons à l’indifférence qui rend sourd aux cris de détresse de nos frères et sœurs en humanité.
Le chemin de croix de Jésus n’est pas une histoire lointaine. Il se poursuit aujourd’hui dans les souffrances, la maladie, la solitude de tant d’hommes et de femmes. Le Pape François nous rappelle sans cesse cette réalité douloureuse. Il nous invite à ne pas fermer les yeux sur la souffrance du monde, à ne pas nous habituer à l’injustice. Dans son encyclique « Fratelli Tutti », il nous appelle à construire un monde plus fraternel, plus juste, plus solidaire, à bâtir des ponts plutôt que des murs, en nous inspirant de l’amour inconditionnel du Christ.
Face à cette réalité parfois si sombre, la figure du Christ souffrant peut sembler déroutante. Certains pourraient même se demander: où est la victoire dans cette humiliation ? Où est la puissance dans cette apparente défaite ?
Dans la Passion du Christ, nous découvrons la profondeur de l’amour de Dieu pour l’humanité. Un amour qui va jusqu’à l’extrême, jusqu’à donner sa vie. L’évangéliste Jean dira :« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3-1 6). Cet amour est si puissant qu’il a offert son Fils unique, la Personne la plus précieuse et la plus aimée de Dieu, pour le bien du monde. Les rameaux que nous tenons entre nos mains ne sont pas seulement un symbole de l’accueil triomphal de Jésus. Ils sont aussi un rappel de notre engagement à le suivre sur le chemin, même lorsqu’il devient difficile et douloureux. Ils sont un appel à ne pas nous laisser submerger par la peur ou l’indifférence, mais à être des témoins de l’espérance que le Christ nous offre.
Chers Frères et sœurs, l’Incarnation à fait entrer Dieu dans l’humanité. La Passion et la Résurrection font entrer l’humanité en Dieu. Que notre prière alors, soit, celle que nous disons à voix basse en préparant le calice « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a voulu prendre notre humanité ». Amen