Homélie du 27 septembre (26è TO), père Pierre : Accepter ou refuser la grâce de travailler dans la vigne du Seigneur

2020-09-27T22:55:05+01:0027 septembre 2020|

Nous entendons cet évangile (Mt 21, 28-32) qui ressemble à celui de dimanche dernier (les ouvriers de la onzième heure) car il y est question aussi d’aller travailler à la vigne. Ces deux paraboles sont propres à Saint Matthieu. Mais le sens de la parabole est différent : dans l’évangile de Matthieu, juste avant le passage de ce dimanche, Jésus vient de faire sa rentrée dans Jérusalem. Il guérit alors des aveugles et des boiteux à la porte du temple, ce qui fait que le peuple voit en lui le fils de David, le Messie annoncé par les prophètes. Il chasse les vendeurs du temple. Puis il rend un figuier stérile invitant ses disciples à une prière pleine de foi. Mais les chefs religieux de l’époque discutent son autorité et Jésus leur pose la question de l’action de Jean-Baptiste : ce qu’il faisait était-il de Dieu ? Ils ne veulent répondre et c’est alors que Jésus leur pose la question de cette parabole : lequel des deux a fait la volonté du Père ?

Dans le contexte historique de Jésus, et selon ce que les pères de l’Église comme Saint Jérôme ou Saint Jean Chrysostome l’ont compris : le premier fils représente le peuple juif qui a d’abord reçu la révélation de Dieu, mais qui va refuser de croire en Jésus. Le second fils représente les païens qui n’ont pas d’abord accueilli Dieu mais qui vont finalement recevoir Dieu en Jésus. Mais dans l’histoire racontée par Jésus, les deux enfants mis en scène représentent les deux attitudes religieuses que Jésus a côtoyées pendant son parcours terrestre : les justes et les pécheurs ; ceux-ci indifférents à la loi, ceux-là fidèles à leurs traditions. A travers ces destinataires c’est à chacun de nous que Jésus s’adresse : car c’est chacun des uniques que nous sommes qui est invité à opter pour ou contre le royaume : accepter ou refuser la grâce de travailler dans la vigne du Seigneur. Il importe moins de dire que de faire lorsqu’il s’agit de la volonté du Père. Saint Bernard de Clairvaux, cité par saint François de Sales, écrivait que «l’enfer est plein de bonnes volontés ou désirs» ; ce qui est devenu «l’enfer est pavé de bonnes intentions» quand les routes de France se couvrirent de pavés…

Qu’est-ce qui fait que le premier n’y va pas et que le second finalement y va ?

Le fils qui était bien parti pour faire la volonté du Père a peut-être été découragé par la tâche à accomplir ; ou bien il a trouvé que pour son épanouissement, il avait mieux à faire. Ou bien il ne s’est pas trouvé physiquement ou psychologiquement bien pour aller travailler. En tout cas sa liberté et sa raison n’a pas reconnu dans l’invitation du Père son vrai bonheur.

Notons surtout que le Père s’adresse aux deux fils de la même façon : « mon enfant« . L’un dit : « je ne veux pas« . L’autre répond : « Oui Seigneur« . Il ne répond pas à la tendresse du Père qui lui dit : « mon enfant«  ; il se situe dans un rapport d’autorité et non comme un fils ; selon la règle et non selon une relation de proximité. On ne s’étonne pas qu’il balance la volonté de Dieu quand elle lui paraît trop pesante ou qu’il n’y voit plus son bonheur. Et la première lecture peut nous faire réfléchir : le juste qui ne voit plus son plan d’amour, se détourne de sa justice et se pervertit. L’enjeu c’est le salut, c’est le royaume qui n’est pas acquis ou perdu à cause d’une vie vertueuse ou pécheresse passée : pour Dieu c’est la conversion actuelle qui compte, c’est de chercher à vivre avec Dieu aujourd’hui.

Aussi, on peut se demander ce que voit le méchant qui ouvre les yeux ? Il voit la bonté miséricordieuse de Dieu. Cette pitié de Dieu est le fondement de la parole du prophète. Au regard des habitudes humaines, Dieu a sans doute une « conduite étrange », car la miséricorde n’est pas naturelle à l’homme. Et le fils qui finalement va travailler à la vigne ? Il se souvient de la bonté de son Père, et il lui fait finalement confiance, malgré ses réticences et ses faiblesses.

La 106ème journée mondiale du migrant et du réfugié qui a lieu en ce dimanche nous donne une occasion de vivre cette Parole : le Pape nous invite comme chaque année, et c’est un axe fort de son pontificat à nous soucier des personnes réfugiées, et des migrants :  « …Pour ces raisons, j’ai décidé de dédier ce Message au drame des personnes déplacées internes (dans leur propre pays), un drame souvent invisible que la crise mondiale causée par la pandémie du COVID-19 a exacerbé. De fait, par sa véhémence, sa gravité et son extension géographique, cette crise a redimensionné beaucoup d’autres urgences humanitaires qui affligent des millions de personnes, reléguant initiatives et aides internationales, essentielles et urgentes pour sauver des vies humaines, au fin fond des agendas politiques nationaux. Or, ce temps n’est pas le temps de l’oubli. Que la crise que nous affrontons ne nous fasse pas oublier tant d’autres urgences qui portent avec elles les souffrances de nombreuses personnes. À la lumière des tragiques événements qui ont marqué l’année 2020, j’étends ce Message, dédié aux personnes déplacées internes, à tous ceux qui ont vécu et continuent de vivre des situations de précarité, d’abandon, d’exclusion et de rejet à cause du COVID-19… ».(Message Urbi et Orbi, 12 avril 2020)

Nous nous sentons loin de ces questions, et l’immigration sans condition nous pose sans doute bien des questions légitimes. Nous n’avons peut-être pas envie d’aller travailler à la vigne de ce côté-là. Mais pourtant, à notre porte, et aux portes de nos églises viennent frapper des personnes réfugiées ; le service Welcome fonctionne dans notre paroisse, animé par un couple de paroissiens ; le Secours Catholique accueille, parmi d’autres, des familles réfugiées au Panier de Castel, et la semaine dernière, une paroissienne de Lalande sonnait à ma porte pour m’alerter sur la présence d’une personne malade sur un banc du square devant notre presbytère. Cet homme, réfugié afghan depuis 2011, médecin dans son pays, et employé dans une EHPAD Toulousaine comme aide-soignant, était en pleine décompensation du Covid, incapable de marcher davantage ; nous avons aidé sa femme à appeler le SAMU, et attendu avec eux l’arrivée de l’ambulance… trois heures plus tard…

Que le Seigneur lui-même nous aide à cheminer à sa suite, et à répondre à ses appels, même quand ils nous dérangent.

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