Homélie du Mercredi des Cendres -Année A (église de Pechbonnieu)

2018-01-28T20:19:37+01:003 mars 2017|

Mes chers frères et sœurs ! L’Évangile de cette entrée en carême entre dans le contexte du Discours sur la Montagne. Il s’agit de la suite des enseignements de Jésus que nous retrouvons dans les chapitres 5, 6 et 7 de l’Évangile de Matthieu. Ces enseignements définissent l’identité du vrai disciple du Christ, du vrai chrétien, devenu en Jésus, « fils de notre Père des Cieux ». Après avoir écouté les dimanches passés, les enseignements sur les Béatitudes, ensuite les disciples appelés à être sel de la terre et lumière du monde, puis certains commandements expliqués par le Christ, aujourd’hui, dans ce chapitre 6 de l’Évangile de Matthieu, le Seigneur donne quelques conseils et mises en garde pour vivre les pratiques de base, mais tellement essentielles : l’aumône, la prière et le jeûne. Il s’agit des 3 « P »  : Prière, Partage et Pardon.

Jésus nous met en garde contre le danger et la tentation de vivre et poser ces œuvres -qui sont évidemment bonnes naturellement- poussés par la quête de gloire et par l’orgueil ; dans le but d’être admirés et appréciés des hommes. Si nous prions, jeûnons, faisons l’aumône dans le seul but de nous mettre en avant (regardez, je suis le meilleurs !), Jésus nous dit que nous avons déjà notre récompense et que notre Père qui est aux Cieux nous rejettera. Jésus n’est pas naïf : ses reproches partent d’une constatation, d’un fait récurrent dans les synagogues : il voit chaque jour les attitudes et pratiques ostentatoires de ceux qu’il accuse de n’être que des hypocrites. Aussi, Jésus scrute nos cœurs et sait mieux que nous, que nous sommes tous sensibles à la vanité, que nous avons tous une dose d’orgueil et que nous ne sommes pas insensibles aux louanges des hommes !

Jésus pose à chacun de nous, en cette entrée du Carême, une question simple, mais essentielle : « Toi qui es mon disciple, devant qui veux-tu vivre ? De qui veux-tu être estimé ? De qui veux-tu être jugé, apprécié ? De ton Père qui est aux Cieux ou des hommes qui t’entourent et te regardent ? » En fonction de ta réponse, tu auras une récompense céleste de Dieu, ou alors tu as déjà ta récompense terrestre des hommes et de la société.

Jésus aborde ensuite en détail chaque pratique en construisant des exemples opposés : il nous montre d’abord l’attitude erronée pour nous indiquer ensuite la manière qui convient et qui plaît à Dieu. Prier, jeûner, faire aumône de manière ostentatoire pour se faire remarquer est certainement hypocrite. Il invite à vivre ces trois pratiques dans le secret, dans le cadre d’une relation personnelle et intime avec notre Père qui est aux Cieux. Notons au passage que dans le Discours sur la Montagne, Jésus invite ses disciples à avoir une relation vraiment filiale avec le Père Céleste. Il nous parle sans cesse de « votre Père », « ton Père », « Notre Père ».

A propos de l’aumône, la manière qui déplaît au Seigneur, c’est celle de « sonner de la trompette devant soi », le faire remarquer à tout le monde. Le cœur de celui qui sonne la trompette en faisant l’aumône est sans amour pour le pauvre. Il l’humilie et le méprise… car la satisfaction de son orgueil est sa motivation première. Ce qui compte pour lui, c’est la gloire qu’il tire du geste posé envers le pauvre qui est devant l’église, la rue, ou le voisin, l’ami, le parent… à qui il a donné quelque chose pour ensuite le dire haut et fort à tout le monde et être acclamé de tous…. Cette gloire reçue des hommes est la seule récompense de l’hypocrite et de l’orgueilleux. Jésus nous donne, pour notre vie et surtout pour ce temps de Carême, l’image paradoxale de la main gauche qui ne doit rien savoir de ce que donne la main droite. L’aumône, le partage, le don vécu chrétiennement doit rester secret, même pour celui qui le fait : ne pas tirer orgueil –même intérieurement- du bien que nous faisons !

A propos de la prière, Jésus ne dit pas qu’il ne faut pas prier en public ! Sinon que faisons-nous ce soir ? Il nous demande seulement de le faire sans exhibitionnisme, parce que la prière est d’abord une rencontre personnelle et intime avec notre Père des Cieux. Mettre en évidence sa propre dévotion, jouir de l’admiration, des regards des autres est une gloire éphémère. Au catéchisme, nous disons aux enfants qu’ils doivent avoir un petit coin prière dans leur chambre pour vivre réellement la prière comme un cœur à cœur avec Dieu. La chambre dont il s’agit ici, c’est notre cœur. La prière est une rencontre spéciale, sacrée, personnelle avec le Père. Ces paroles nous plongent presque dans l’expérience spirituelle de la prière filiale que Jésus a avec son Père. D’ailleurs, c’est après ces enseignements sur la façon de se comporter que Jésus nous apprend le « Notre Père », qui est une prière filiale.

Enfin, Jésus parle du jeûne. Dans la Bible, nous avons tellement d’enseignements autour du jeûne. Ce sera d’ailleurs un des thèmes de nos conférences des jeudis du Carême, le 16 mars à 20h30 à Pechbonnieu, le père Cyprien Comte. Jésus conseille aux disciples de jeûner sans présenter de visage défait, déprimée par faim….Bien au contraire, Jésus nous invite à tout faire pour éviter de montrer que nous jeûnons. Quand nous jeûnons, Jésus nous conseille de mettre du bon parfum, de nous faire beaux, de mettre les beaux habits comme si nous allions à la fête !

Si l’Église nous fait écouter ces paroles au début du Carême, c’est parce qu’elles contiennent des leçons de vie pour notre montée vers Pâques, un chemin qui nous renouvelle, dans le sens que nous devons devenir « nouveaux » le matin de Pâques. Pendant tout le temps du carême, nous devons travailler avec le Seigneur à ce renouveau de notre cœur, de notre être entier… Cependant, attention ! la prière, le jeûne et l’aumône ne sont pas des pratiques à confiner seulement au temps du carême. Elles doivent embrasser toute la vie chrétienne. Prier, jeûner, partager, se réconcilier, donner et recevoir le pardon, écouter la Parole de Dieu, purifier et faire grandir sa relation avec Dieu et avec les autres, lutter contre l’égoïsme… toutes ces pratiques font partie de la vie chrétienne quotidienne. Le temps du Carême nous invite seulement à nous interroger, à nous remettre en question, à convertir notre manière parfois routinière et hypocrite de vivre ces différentes pratiques.

Le temps du Carême nous invite à nous parfumer, à nous rendre beaux car nous allons à la rencontre du Dieu vivant, Vainqueur de la Mort. Alors, même si nous sommes en Carême, comme dit le pape, nous sommes appelés à nous défaire des visages de Carêmes, visages de deuil, car notre Seigneur est vraiment Ressuscité et Vivant. Il grandira en nous et autour de nous dans la Prière, le Partage, et le Pardon vécu, reçu et donné. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial