Homélie du Vème dimanche du temps ordinaire Année A

2018-01-28T20:19:38+01:005 février 2017|

Chers frères et sœurs. Dimanche dernier, les Béatitudes avaient insisté sur les dispositions intérieures des disciples : pauvres en esprit, doux et humbles de cœur, chercheurs de justice, hommes et femmes de miséricorde, artisans de paix. Aujourd’hui Jésus invite ses disciples à prendre conscience de leur responsabilité face au monde et à « annoncer la couleur ».

« Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde ». Vous savez bien le rôle du sel et de la lumière dans notre vie de tous les jours. Au temps de Jésus, le sel servait à fertiliser la terre, comme un engrais, pour que les récoltes soient meilleures. Il était aussi utilisé pour la conservation des aliments. Mais le rôle principal du sel est de donner du goût : sans sel, tout est fade.

Le Christ nous invite donc à donner du goût à notre vie et apporter un peu de chaleur, de fraternité et d’amour là où nous sommes. Il ne suffit pas de prier et de ne pas faire du mal pour répondre à l’invitation du Christ, il faut faire la volonté de son Père.

En plus d’ajouter de la saveur à la vie, la mission du peuple de Dieu est de faire briller un peu de lumière dans notre monde, symbolisée par la chandelle que nous avons reçu à notre Baptême.

Sans lumière, il n’y a pas de couleur, pas de beauté, pas de vie. Jésus vivait dans une société pré-scientifique qui ignorait beaucoup de choses, mais il était plus proche que nous de la nature. Nous savons aujourd’hui que la lumière est une source essentielle à la vie.

Jésus nous dit : «  il faut que votre lumière brille ». Jésus veut que les chrétiens soient des fils et des filles de lumière dans un monde souvent rempli d’obscurité. «  Une ville située sur une montagne ne peut pas être cachée ». Tenir notre lampe allumée devient une conquête journalière. Si elle s’éteint, nous pouvons la rallumer à la flamme du Christ, symbolisée dans nos églises par le cierge pascal. Notre foi sert à donner de la saveur à la vie et apporter un peu de lumière et de chaleur aux ténèbres autour de nous. Nous avons besoin de ces deux éléments essentiels car «  l’homme ne vit pas seulement de pain »(Mt 4, 4).

Chers amis, le Christ ne nous demande pas de changer le monde, mais de lui donner un peu de saveur, un peu de chaleur et de lumière.

Si le chrétien n’est pas le sel d’un monde fade et sans saveur, s’il n’est pas une petite lumière pour éclairer les ténèbres, il ne sert à rien. Le chrétien « caméléon », qui adopte toutes les modes et toutes les mentalités de l’heure, qui prend la couleur de son milieu de vie, n’a plus aucune utilité. A ceux et celles qui s’affadissent, aux chrétiens qui deviennent incolore, inodore, sans saveur, Jésus dit : «  si vous voulez donner du goût et de la lumière à votre monde, vous devez être un peu différents de lui ».

Un autre point important de l’évangile d’aujourd’hui : le Christ nous invite ainsi à agir non pas pour notre gloire personnelle mais pour la gloire de Dieu : « Votre lumière doit briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux ». Dans tout ce que nous faisons et dans tout ce que nous disons, ce n’est ni la gloire de la communauté, ni celle de l’Eglise qu’il nous faut rechercher, mais toujours et uniquement la gloire de Dieu. Aujourd’hui le Christ nous invite à reconnaître ce que nous sommes : la saveur et la lumière du royaume, et à agir en conséquence. Il nous faut éviter de devenir des chrétiens insignifiants : «  Tu n’es ni chaud ni froid. Si seulement tu étais chaud ou froid. Mais parce que tu es tiède, je te vomirai de ma bouche » (AP 3, 15-16).

Dans la première lecture du livre d’Isaïe, ce dernier nous montre comment être le sel de la terre et la lumière du monde. La prophétie d’Isaïe nous propose des gestes de partage : nourrir l’affamé, désaltérer l’assoiffé, recueillir le malheureux sans abri, vêtir celui qui a froid, combler le désir des malheureux, etc. En un mot, secourir toutes les souffrances que nous rencontrons sur notre route de tous les jours. Dans le texte d’Isaïe, nous relevons trois remarques :

Premièrement : les gestes de libération, les gestes de partage que Isaïe nous recommande sont tout simplement l’imitation de l’œuvre de Dieu lui-même ; Israël a expérimenté souvent l’action du Dieu libérateur et la compassion du Dieu miséricordieux. Ce qui est demandé à Israël, c’est de faire les mêmes gestes à son tour. Autrement dit, l’homme est fait pour être l’image de Dieu.

Deuxièmement : le prophète Isaïe nous dit ceci : « si tu combles les désirs du malheureux, la gloire du Seigneur t’accompagnera ». La gloire de Dieu signifie le rayonnement de sa présence. Quand nous agissons à la manière de Dieu par des actes qui libèrent, qui rassurent, qui encouragent, qui adoucissent les épreuves de toute sorte, alors il nous est donné de refléter un peu pour eux la lumière de Dieu. Et vous remarquez l’insistance d’Isaïe sur la lumière : «  Alors ta lumière jaillira comme l’aurore… ta lumière se lèvera dans les ténèbres, ton obscurité sera comme la lumière du midi ». Bien sûr puisqu’il s’agit de la lumière même de Dieu. Pour le dire autrement, Isaïe nous dit : «  Quand tu donnes tu reflètes la présence de Dieu ». Cela signifie que : «  Là où il y a l’amour, là est Dieu. »

Troisièmement : tout acte de justice, de libération, de partage est un pas vers le royaume de Dieu, puisque justement, ce royaume que tout l’Ancien Testament attend est le lieu de la justice et de l’amour. Et l’évangile de dimanche dernier, celui des Béatitudes, nous rappelait que le royaume de Dieu est construit au jour le jour par les doux, les purs, les pacifiques, les assoiffés de justice et de miséricorde.

Chers amis, nous sommes le sel et la lumière, si nous accompagnons Jésus sur le chemin des Béatitudes. La puissance de l’amour de Dieu doit nous transfigurer. Ainsi, être sel de la terre et lumière du monde ne représente pas un objectif en soi, mais découle de l’expérience de retournement qu’opère en nous la conversion au Christ.

Comme saint Paul écrit aux Corinthiens, « c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestent, pour que notre foi ne repose pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu ».

C’est cette puissance qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, celle-là même qui a permis à Jésus d’être fidèle jusqu’à la croix et qui aujourd’hui encore nous anime pour aimer et servir comme Jésus, de manière désintéressée. Ainsi chers amis, le témoignage d’être sel et lumière n’est crédible que s’il s’appuie sur une expérience d’une vie bouleversée par la rencontre du Christ sauveur. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial