Homélie XXIIe dimanche – année C

2018-01-28T20:20:39+01:004 septembre 2016|

L’humilité nous guérit de notre orgueil

Nous sommes tous, de manière consciente ou inconsciente, victimes de ce rythme, de cette philosophie, de cette politique, de cette manière d’être et de faire qui nous fatigue et nous stresse, qui nous angoisse, en nous poussant à des conquêtes, à rassembler et amasser les trophées comme pendant les jeux olympiques de Rio qui viennent d’avoir lieu, d’être meilleur compétiteur même s’il faut pour cela écraser les autres pour conquérir les premières places dans la société, dans le monde sportif, professionnel, même dans la vie de couple, dans la famille. Nos jeunes sont victimes de cela dans le monde scolaire. Nous n’avons qu’à regarder ce que se passe dans les classes Préparatoires, lors des concours d’admission aux grandes écoles…

Même dans l’Eglise, alors que nous venons du pèlerinage de la Journée diocésaine de Lourdes où notre archevêque nous a appelés, pendant cette année pastorale qui s’ouvre, à marcher ensemble, main dans la main, dans l’unité… nous sommes aussi victimes de cette rivalité et guerre pour les premières places. Si Jésus parle de cette tentation dans l’évangile d’aujourd’hui, cela nous montre bien que la recherche des premières places n’est pas le vice d’une époque révolue de l’histoire : elle est flagrante à notre époque. La soif des premières places est une question anthropologique : elle est liée à l’être humain qui est fils ou fille d’Adam et Eve. Chaque humain est dominé plus ou moins par le premier des 7 péchés Capitaux qui s’appelle l’orgueil. A l’époque de Jésus comme aujourd’hui encore, l’esprit de compétition avait ses fauteurs et faisait ses victimes. Avant de parler de l’orgueil comme péché capital, je reconnais que le progrès dans lequel nous vivons aujourd’hui est, d’une certaine manière, le fruit positif de la compétition entre les personnes et les nations. Cette compétition est donc, de ce point de vue, un moteur efficace de développement.

Cependant, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître que la compétition a fini par nous obséder, que ce soit sur le plan personnel, communautaire, national et international. Malheureusement cette obsession existe aussi au sein de l’Eglise, que ce soit au niveau des simples communautés locales paroissiales comme la nôtre que dans sa hiérarchie…

Dans la société, notre jugement sur les personnes et sur les peuples est conditionné par ce critère. Nous apprécions et admirons facilement les atouts et capacités de celui ou celle qui a bien réussi à se mettre en vue, en évidence, le fin politique comme Sarkozy, Juppé, Marine Le Pen, Valls, Macron ou Hollande, qui a réussi à mettre hors-jeu tous ses rivaux, indépendamment des valeurs auxquelles il croit ou qu’il peut incarner. D’ailleurs, certaines pratiques et stratagèmes fourbes, malhonnêtes, la tricherie, les « tous les coups sont permis », attitudes arrivistes… sont admirées dans la mesure où elles nous ont permis d’atteindre notre but, même si cela a laissé des millions de malheureux et écrasés de la vie sur la route à notre passage. En d’autres mots, celui qui a réussi, qui domine a toujours raison. La quête des premières places a en soi un côté pervers que la société nous empêche de voir. Cette idéologie a fait et fait encore aujourd’hui de nombreuses victimes : la guerre, le chômage, les réfugiés, les personnes handicapées… La liste est longue, mais tout cela est le résultat d’une société où tout est permis pour occuper les premières places au niveau de l’avoir et de pouvoir.

La racine et la source de tout cela s’appellent « l’orgueil », ce péché capital qui nous habite tous, vous et moi. Et en ce début de l’année pastorale, la Parole de Dieu vient nous apprendre comment guérir de l’orgueil. On ne peut guérir de l’orgueil que par l’humilité. Beaucoup de saints nous ont appris que c’est par les humiliations qu’on apprend l’humilité. C’est cela que nous apprend le Christ à travers le mystère de l’incarnation « Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres. Ayez entre vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ Jésus : lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui- prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix ». (Phil 2, 3-8).

C’est aussi le témoignage que le Christ nous donne quand il se met à genoux devant ses disciples pour leur laver les pieds : « Après leur avoir lavé les pieds, il reprit son vêtement et se remit à table. Il leur dit alors : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez ‘Maître’ et ‘Seigneur’, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous » (Jn 13, 12-15). Marie, dans le Magnificat reconnait qu’elle est l’humble servante du Seigneur… et que c’est Lui qui s’est penché sur elle pour que toutes les générations l’appellent bienheureuse….

Toute la vie de Jésus a été fondée sur le choix de l’humilité, des dernières places. N’oubliez pas qu’on voulait faire de lui un roi « A la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde. » Mais Jésus savait qu’ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne. » (Jn 6, 15-15).

Etre chrétien, c’est entrer dans la dynamique de l’incarnation du Christ, c’est vouloir imiter Dieu qui s’est abaissé en devenant l’un de nous, pas pour nous écraser, mais pour nous élever en nous faisant participer à sa grande dignité divine.

C’est cette grâce que nous allons demander au Seigneur au début de cette année pastorale que nous allons commencer avec le début du mois de septembre. Qu’Il vienne nous guérir de notre orgueil, de cet orgueil subtil et sournois qui se manifeste dans le désir et le besoin légitime que nous avons d’être reconnu, cette soif en nous qui veut que nous voulons chaque fois recevoir des remerciements pour les services que nous rendons au sein la communauté ou dans la vie de famille, la gratitude que nous réclamons de nos amis, les parents, les collègues de travail…..

Dans la leçon d’humilité de ce jour, le Seigneur nous apprend qu’un vrai disciple doit servir sans rien attendre en retour, car la vraie récompense vient de Dieu qui voit tout ce que nous faisons dans le secret. Etre chrétien, c’est choisir ceux qui sont exclus à l’image du Christ. C’est en accueillant les exclus que nous apprenons à ne pas exclure les autre. Luttons contre les exclusions autour de nous. Demandons au Seigneur de nous aider à vaincre en nous les rivalités et les jalousies qui nous hantent parfois. Nous sommes tous dans la même barque dont le Christ est le pilote : peu importe la place que nous occupons dans la barque : l’important est d’y être avec les autres. Il y a de la place pour tout le monde dans la maison de Dieu et nous sommes tous des pierres vivantes, pour construire son Eglise, ensemble, dans l’unité, comme nous l’a dit à Lourdes Mgr Le Gall pour la Journée diocésaine.

Seigneur, en cette année pastorale qui commence, nous voulons nous mettre à ton école. Apprends-nous l’humilité. Guéris-nous du péché de l’orgueil. Aide-nous à accueillir humblement tous ceux qui viennent frapper à la porte de nos maisons et de nos églises. Donne-nous la grâce de servir, généreusement, mais discrètement, sans chercher à occuper les premières places dans le monde, dans la paroisse, dans nos familles. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial