Homélie XXX dimanche – année C

2018-01-28T20:19:43+01:0024 octobre 2016|

Mes chers frères et sœurs ! En ce dimanche qui est la Journée Missionnaire Mondiale, la liturgie de la Parole revient sur le thème de la prière, en soulignant la différence existant entre une vraie, une authentique prière et une fausse prière. Dans la parabole de dimanche dernier, Jésus mettait l’accent sur la nécessité de persévérer, de tenir bon dans la prière, de prier sans jamais se lasser. Il y a quinze jours, à travers l’histoire des dix lépreux, Jésus soulignait l’importance de la prière d’action de grâce. Très souvent, certaines personnes pensent à Dieu seulement quand elles sont éprouvées pour Lui demander des choses, une guérison, un soutien, mais une fois exaucées, Dieu est oublié et la page est vite tournée jusqu’à la prochaine épreuve… C’est une manière mercantile d’être en relation avec Dieu, une relation de supermarché où on va de temps en temps seulement quand on a besoin de quelque chose.

Aujourd’hui, en nous faisant contempler le pharisien et le publicain de l’évangile, Jésus veut nous donner un autre enseignement. Il nous met en garde contre la prière du « faux juste» qui -en l’occurrence est un pharisien- se présente devant Dieu en sachant déjà qu’il est juste et parfait en tout. Ce dernier marche dans le temple, tellement orgueilleux qu’il se tient physiquement «debout devant Dieu», c’est-à-dire au même niveau que Dieu. Il veut même dépasser Dieu en se tenant ainsi debout devant Lui. De l’autre côté, nous avons ce pauvre publicain qui se tient «à distance», loin du Seigneur. Il n’ose même pas lever les yeux vers Dieu car il se sait tellement pécheur et indigne. Il se frappe la poitrine car il ne compte que sur la seule miséricorde de Dieu.

Dans la vie quotidienne et dans toutes les communautés ecclésiales, il y a toujours des gens qui se croient et s’estiment « plus que ». Ils se sentent supérieurs dans leurs savoirs (plus intelligents), dans leurs richesses (plus riches), dans leurs expériences (plus expérimentés), dans leur vie de foi (plus spirituels, ceux qui se prennent pour les super chrétiens)… Ces gens « supérieurs en tout » passent leur temps à se comparer aux autres. Le pire, c’est que leurs comparaisons écrasantes ciblent certaines personnes, certaines catégories précises qu’ils méprisent sans s’en rendre compte. Parfois même, et c’est le comble, ils ont l’intime conviction d’être objectivement meilleurs et supérieurs aux autres. « Mon collègue au travail est moins instruit que moi, il est moins diplômé, moins expérimenté…., il n’a donc rien à m’apprendre! »

Lorsque nous commençons à nous considérer supérieurs aux autres en soulignant nos qualités morales ou religieuses, nous entrons dans une sphère que je qualifie de «diabolique». Nous risquons, comme le pharisien de l’évangile, de nous considérer supérieurs et de mépriser les autres… voire de nous considérer supérieurs même à Dieu car nous sommes tellement parfaits que nous restons debout devant Lui. Symboliquement, rester debout devant quelqu’un, c’est refuser de s’écraser devant lui, c’est montrer sa dignité, sa propre grandeur… Dites-moi quel homme pourrait honnêtement se sentir l’égal de Dieu au point de Lui tenir tête ? Un tel comportement, c’est celui du Diable, de Lucifer qui était tellement fier de lui-même au point de vouloir prendre la place de Dieu. Chaque fois que nous laissons l’orgueil spirituel prendre le dessus dans notre vie en nous considérant parfaits et supérieurs aux autres, nous sommes diaboliques et disciples de Lucifer. Jésus lui, alors qu’il était l’égal de Dieu ne s’est pas considéré comme tel, mais il s’est anéanti et s’est abaissé en obéissant jusqu’à mourir sur une croix, et c’est pour cela que Dieu l’a exalté!!! «Qui s’élève sera abaissé, et qui s’abaisse sera élevé», nous dit le Seigneur dans l’évangile de ce dimanche.

«Mon voisin à l’église n’a qu’une foi dévotionnelle … C’est une grenouille de bénitier !» ; «Mon voisin est «simple» dans sa foi». «Ma mère est une «brave chrétienne» ! Heureusement que je ne suis pas comme elle !» Ce type de comportement relève du pharisaïsme, comme l’homme de l’évangile. Par son appartenance à ce mouvement, le pharisien était «séparé» des autres. Pour lui, même en matière de foi et de morale, on ne mélange pas les torchons et les serviettes ! Le pharisien veut être, il se sait et il fait tout pour être différent et se démarquer des autres. Le pharisien se sait meilleur par rapport à ceux qui sont moins que lui, ceux qu’il considère comme «pécheurs», comme ce publicain qui ose même se retrouver au temple en même temps que lui : quelle horreur ! Comment ose-t-il ? Devant Dieu, le pharisien ne loupe pas une occasion pour souligner sa supériorité religieuse et spirituelle, avec tous les records qu’il a franchis par rapport aux autres. Il rappelle sa grande capacité à jeûner (deux fois par semaine alors que la Loi de Moïse n’exigeait qu’un jeûne par an), il rappelle à Dieu sa grande générosité (car il donne le dixième de tout ce qu’il possède, pendant que la Loi de Moïse n’exigeait ce dixième que sur certains produits de la terre).

Jésus nous dit que Dieu ne regarde pas tous ces records soulignés par le pharisien,. Au contraire, il apprécie le «rien» de ce publicain qui n’a rien d’autre à donner que soi-même, que son cœur contrit qui se repent, sans la prétention d’avoir quelque chose. Il sait qu’il a tout à recevoir de Dieu ! C’est pour cela qu’il demande : «Seigneur, sois favorable au pécheur que je suis».

Jésus sauve le publicain de l’évangile, et condamne le pharisien. Le Dieu révélé par le Christ-Jésus n’est pas un Dieu des justes et des saints, des gens déjà parfaits qui sont déjà arrivés et qui n’ont pas besoin de conversion. «Je ne suis pas venu pour les justes et les bien portants. Je suis venus pour les malades et les pécheurs» nous rappelle Jésus en ce Jubilé de la Miséricorde qui touche à sa fin dans un mois.

Humilité et glorification de soi ne sont pas compatibles dans une vie authentiquement chrétienne. Le chrétien, disciple du Christ cherche l’humilité en reconnaissant ses propres faiblesses et fragilités. Il ne cherche pas à apparaître, à donner une image différente de ce qu’il est effectivement et en vérité. Un chrétien se reconnaît forcément comme pécheur qui a besoin d’être sauvé par le Christ lui-même. Un vrai chrétien ne se sauve pas et ne se justifie pas lui-même. C’est le Christ seul qui, donnant sa vie pour nous sur la Croix, nous sauve et nous justifie dans sa grande miséricorde.

Dans la parabole de ce dimanche, le Seigneur veut aussi nous faire comprendre l’importance de la prière sincère, celle qui naît du cœur et qui plaît à Dieu : celle-ci exprime essentiellement notre besoin de conversion et de repentir. Une prière vraie en appelle à l’humilité et refuse de mépriser les autres ! Ce que le Christ réprouve dans la vie du pharisien, c’est cette hypocrisie qui le caractérise dans son quotidien et dans sa vie de foi. Il est devenu un acteur-religieux, un croyant de spectacle qui joue des rôles et fait des prières, comme dans un film ou au théâtre : son cœur est loin de Dieu. Il fait tout pour être vu et être applaudi.

Nous pouvons transposer la parabole de cet évangile, de la religion juive d’il y a plus de 2000 ans à notre vie chrétienne d’aujourd’hui, dans nos sociétés et nos communautés ecclésiales actuelles. Les vices et les vertus de la nature humaine restent les mêmes à travers l’histoire. Aujourd’hui, comme à l’époque de Jésus, Dieu n’aime pas ceux qui se sentent parfaits et justes en soulignant leurs mérites, ceux qui se savent «en ordre» parce qu’ils ne sont pas voleur, injuste, adultère, ou peut-être, parce qu’ils ont fait un pèlerinage à Lourdes, à Fatima ou à Méjugorge ; ou parce qu’ils disent le rosaire chaque jour, ou parce qu’ils donnent au pauvre et au Denier de l’Eglise…Tout cela est bien et louable quand nous le faisons sincèrement et sans orgueil, mais un chrétien ne peut s’en vanter devant Dieu au point de mépriser les autres. Quand nous regardons notre vie en vérité, avec la lumière de Dieu, nous nous rendons sûrement compte des pas énormes que nous avons encore à faire. Les maîtres spirituels disent que plus on grandit dans la foi et plus on s’approche de Dieu, plus on se voit avec sa lumière éblouissante en se rendant compte combien notre vie est encore remplie de zones d’ombres et de ténèbres…. par rapport à la sainteté de Dieu que nous sommes appelés à ressembler.

Rendons grâce à Dieu qui nous sauve par le Christ. Demandons-lui la grâce de voir ce qui en nous doit être ajusté à sa miséricorde pour vivre en vérité et sans hypocrisie devant Lui et dans nos relations humaines et ecclésiales. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial