Homélie XXXI dimanche – année C

2018-01-28T20:19:43+01:001 novembre 2016|

Mes chers frères et sœurs ! Il paraît que, ces derniers dimanches, j’ai blessé certains parmi vous lors de mes sermons. Il y a 15 jours, lorsque nous avons contemplé la veuve réclamant, avec insistance que lui soit fait justice, par un juge qui ne respectait personne et ne craignant pas Dieu, les juges, magistrats et avocats se sont senti visés par mes propos qui disaient que malheureusement aujourd’hui encore, la justice est parfois encore injuste. Dimanche dernier, il semble que les super-chrétiens, ceux qui se sentent déjà parfaits, symbolisés par le pharisien de l’évangile qui dénigrait les autres, ont aussi été blessés. Pourtant, sachez que chaque fois que je médite la Parole de Dieu et prépare une homélie, je la médite d’abord pour ma propre conversion personnelle avant de l’appliquer aux autres….

Aujourd’hui encore, il se peut que certains parmi vous se sentent visés. Loin de moi cette intention ! L’évangile nous fait contempler un homme pour découvrir, en cheminant vers la clôture de cette année de la Miséricorde, comment notre Seigneur se fait proche des pécheurs que nous sommes. Il s’agit de Zachée ! Un homme de très petite taille ! Que les gens de petite taille ne se sentent pas visés! 😀 Pourtant, Zachée est un manager qui a tout réussi. Il a un compte en banque bien garni, grâce aux primes et surtout à sa tricherie et ses vols quand il perçoit le trésor public. Zachée un pourri sans scrupule comme ces caïmans d’Afrique ou ici de chez nous qui confondent poche personnelle et Trésor Public ou communauté ecclésiale. Oui, car des Zachées il y en a en politique, dans l’administration publique, dans les entreprises… et malheureusement même dans l’Eglise. Le pape François nous le redit sans cesse. Avant d’aller donner des leçons au monde, nettoyons devant notre propre porte. Je pense aux différents scandales financiers qui abîment le visage de l’Eglise, à ce prêtre économe d’un grand sanctuaire marial mis en prison pour détournement de fonds, à ce prêtre dont on trouva au moment de sa mort subite, stockés dans son presbytère, des sacs et des sacs de francs Français ou alors à ce prêtre d’un diocèse voisin qui mettait l’argent de la paroisse sur son compte personnel. Les laïcs dans l’Eglise ne sont pas épargnés. Comme quoi, il faut faire le ménage, même dans l’Eglise….

Revenons à Zachée ! Au centre de sa vie, il n’y a que le profit et l’intérêt personnel qui comptent. Tout le reste est relatif et sans valeur. Zachée inspire la peur à ses concitoyens ! Il pense que les gens le respectent car il confond peur et respect. Il suffit qu’il vous dénonce à l’autorité pour voir débarquer chez vous plusieurs soldats romains : vous serez mis en prison sans passer devant le juge. Oui, Zachée est aussi un collabo, le chef des collabos comme ceux qu’on a connus dans notre pays en des temps de triste mémoire…. Ce chef des publicains est riche mais il est aussi détesté de tous. Et ironie du sort, son nom fait sourire ! Il s’appelle Zachée, ce qui signifie « le juste ». Non, il n’est pas juste comme les pharisiens ! Il ne faut pas confondre ! Zachée ne met jamais les pieds dans une synagogue. Mais il s’appelle « le juste » et cela fait sourire, d’un homme dont la vie et les pratiques contrastent avec la justice. En tout cas, il a l’air d’avoir réussi sa vie et tout le monde pense qu’il est heureux.

Le seul problème, c’est que notre Zachée est seul. Il vit dans la solitude. Il n’y a personne autour de lui ; personne qu’il ne peut revendiquer comme ami. Et cela, il ne peut l’accepter car cet homme de très petite taille fait un transfert et veut compenser par l’argent, le pouvoir, les diplômes et mêmes les relations amicale ; avoir du monde autour de lui, cela, il ne l’a pas et Zachée n’accepte pas cela. On dit chez moi « que la richesse et le pouvoir sont avares d’amitié et de gratuité !» Zachée a entendu parler d’un Galiléen nommé Jésus. Tout le monde parle de lui, attestant qu’il guérit les malades, que c’est un prophète qui enseigne avec autorité… Alors, Zachée met en place une stratégie pour voir à quoi ressemble cet homme dont tout le monde parle. Il sait que dans la rue, avec sa petite taille, ça va être compliqué ! Il veut voir Jésus sans être vu ! Alors, parce qu’il a entendu la veille que Jésus passerait dans cette rue, il réfléchit toute la nuit sur une stratégie pour voir Jésus. Mais il ne trouve pas de solution….

En effet, Jésus passe comme prévu dans la rue, pas loin de la maison de Zachée. Il enseigne et tout le monde est content. Mais il y a tellement de foule ! Quelle horreur ! Cette foule ne laisse pas passer Zachée ! La foule a constitué un mur pour cet homme de petite taille qui se sent écrasé. Oui, parfois, même dans l’Eglise, la foule devient un mur. Combien de gens voudraient prendre place dans nos communautés constituées, dans nos équipes déjà formées, dans nos structures,…. Ces équipes fermées et constituées deviennent parfois des murs parce que nous les empêchons d’entrer, de prendre place pour voir Jésus parce qu’ils sont de petite taille par rapport à nos habitudes, notre jugement ; des exclusions que nous mettons en place tout en les justifiant. Oui, demandons-nous si nous ne sommes pas parfois des murs pour ceux qui veulent voir Jésus mais que nous rejetons… loin de l’Eglise.

Alors, Zachée trouve une solution ! Quand on n’a pas la force, il faut être intelligent ! Zachée trouve toujours une compensation ! Il coure, devance loin la foule pour monter dans un arbre. Le chef des publicains dans un arbre ! La honte ! Et pourtant, quelle joie serait la mienne, moi aussi, si notre communauté était toujours un arbre accueillant tous ces Zachée d’aujourd’hui en quête et assoiffés de Dieu, d’amitié et de chaleur, voulant même rendre service à l’Eglise. C’est grâce à cet arbre qu’il y a un coup de théâtre. L’inattendu survient, à la surprise de tout le monde et de l’intéressé lui-même : Jésus lève les yeux et voit Zachée. Jésus lui sourit et lui parle : « Zachée, Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Zachée n’y comprend rien ! Il se demande : « Comment Jésus a fait pour connaître mon nom », «Mais, qu’est-ce qu’il me veut ? ». Zachée pense que Jésus le confond avec quelqu’un d’autre ! Mais Jésus lui dit, c’est bien à toi que je parle, Zachée ! Oui, Jésus ne nous confond jamais avec quelqu’un d’autre. Il nous connaît profondément et sait quelles sont nos joies et nos peines. Le Seigneur sait quelles sont les soifs, les fragilités et les peurs de chacun de nous. Il veut nous guérir et nous invite seulement à le laisser entrer dans notre maison, dans ce cœur, siège de l’amour qu’il désire tant voir devenir sa demeure.

Jésus ne juge pas Zachée. Il ne craint pas non plus le jugement de tous ces bien pensants qui sont autour de lui, ceux d’hier et d’aujourd’hui qui excluent les autres du salut… parfois sans le savoir. Jésus se fait inviter dans la maison de Zachée et y apporte le salut. Zachée est confus, il est troublé par cette visite impensable. En dix minutes, sa vie a changé. Le fameux Jésus de Nazareth est entré réellement dans sa maison sans poser de conditions…

C’est un épisode embarrassant même pour les premiers chrétiens. Le Seigneur ne pose pas de conditions pour entrer dans notre vie. Il n’a même pas demandé à Zachée de se convertir, de changer de vie ! Non, le Seigneur nous demande seulement de le laisser s’inviter dans nos vies, dans notre maison. Sa seule présence y portera sûrement des fruits merveilleux. Voyez Zachée ! Il prend des décisions courageuses et radicales qui vont le ruiner : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus ». Personne ne lui a rien demandé ! Peu importe ! La richesse, le respect, la crainte, tout son prestige sont devenus de la paille pour Zachée. Ce dernier est sauvé ! Il a accueilli le salut. L’homme qui inspirait la haine et la peur, celui que détestait tout le monde est devenu disciple du Christ ; le plus improbable disciple de Jésus de Nazareth.

Cher ami ! Dieu te cherche toi aussi. C’est lui qui a pris l’initiative sans te juger. Le chrétien cherche un Dieu qui le cherche déjà le premier. Laissons-nous rejoindre par le Christ qui ne juge pas Zachée mais l’attend. L’amour de Dieu précède toujours notre conversion. C’est l’amour qui produit en nous la conversion. Le Seigneur ne nous aime pas parce que nous sommes bons. C’est en nous laissant aimer par Dieu qu’il nous rend lui-même bons et meilleurs à ses yeux et aux yeux des autres. Si Jésus avait dit à Zachée : « Zachée, descends de ton arbre ! Je sais que tu es un voleur ! Alors, je te demande de rendre quatre fois ce que tu as volé pour que je puisse venir chez toi ! », je crois que Zachée serait resté dans son arbre ! Parce qu’il n’a pas posé de conditions, la conversion est devenue possible

En marchant vers la clôture de cette année de la Miséricorde, laissons le Christ, nous-aussi, à la suite de Zachée, entrer dans nos vies. Laissons le Seigneur nous aimer en nous apportant sa Miséricorde et son salut. Montrons au Seigneur nos petites tailles, nos différents handicaps, nos désirs les plus profonds ! Il les guérira par sa présence. Amen.

Ancien curé de l'ensemble paroissial