Mes chers frères et sœurs ! A quoi servirait de naître, de faire l’expérience de la vie, d’aimer quelqu’un… si tout ceci devait vraiment finir un jour avec la mort ? Quel sens aurait la bonté, l’amour, la joie, le courage, le travail, la famille, le mariage, le sacerdoce, le bien, l’émerveillement… si tout ceci se révélait seulement comme étant une courte, et parfois même, une très courte expérience d’une vie qui finit sur terre ? Telle est la question des questions que se posent la plupart des religions, parce que -qu’on le veuille ou non, l’être humain porte au fond de lui la question fondamentale du sens de la vie après la mort. Comme je disais mercredi, au jour de la commémoration des fidèles défunts, notre manière de vivre la vie présente est révélatrice de notre conception de l’au-delà.
Les chrétiens portent en eux cette question eux aussi. Sinon nous ne serions pas là pour cette eucharistie, les parents ne demanderaient pas le baptême de cette petite Lucie et Charlie, que l’Eglise accueille ce week-end sur notre Ensemble paroissial. Nous pouvons philosopher là-dessus, spéculer, faire des dissertations et de longues thèses sur la mort et l’au-delà… mais la réponse reste mystérieuse. En tout cas, pour les chrétiens, seul Jésus a donné la véritable réponse à cette question fondamentale par sa Résurrection, c’est-à-dire, la certitude qu’en vertu de sa victoire sur la mort en croix, nous aussi, depuis notre baptême, comme Lucie et Charlie, nous sommes appelés à ressusciter avec Lui, c’est-à-dire à partager la vie divine avec lui pour l’éternité.
Certains, et peut-être qu’il y en a même parmi nous, disciples du Christ qui, avec une dose de scepticisme, n’y croient pas. La résurrection est bien un mystère ! C’est le grand mystère. Nous le disons dans l’anamnèse : « Il est grand le Mystère de notre foi ! Nous proclamons ta mort Seigneur, nous célébrons ta résurrection et nous attendons ta venue dans la gloire ! » C’est le cœur de notre foi et c’est ce mystère qui fait qu’aujourd’hui encore, nous pouvons trouver des Saducéens parmi ceux qui se réclament chrétiens. Les statistiques disent qu’aujourd’hui, beaucoup parmi les baptisés, donc les chrétiens, disent ne pas croire en la résurrection des morts. Beaucoup de chrétiens confondent réincarnation et résurrection. Ce qui est une grave méconnaissance de ce qui est le cœur et le centre de la foi chrétienne : Jésus mort et ressuscité, et c’est en vertu de cela que lorsque nous mourrons, nous ressusciterons et vivrons nous aussi avec Lui.
Si nous menons notre vie avec la certitude que, même avec la mort, la vie ne finira jamais, mais qu’avec la mort comme passage, notre vie connaîtra sa plénitude dans l’éternité… alors, cette certitude nous poussera à vivre pleinement la vie présente. La foi en la vie éternelle nous invite à vivre la vie présente avec toute notre responsabilité et tout le sérieux nécessaire. Notre vie n’est pas un théâtre, une comédie ni un jeu de rôles qu’on peut échanger avec les autres acteurs. Au théâtre, plusieurs acteurs peuvent jouer le même rôle ! Mais notre vie est pleinement nôtre et personne d’autre ne peut la vivre à notre place. Et c’est moi, et moi seul, qui rendrai compte de ma vie terrestre au Seigneur. Est-ce que nous y pensons au quotidien ?
J’ai parfois l’impression d’être entouré de gens qui vivent leur vie comme un contrat journalier. Ils vivent comme si tout s’arrêtait aujourd’hui, comme si demain n’existait pas. Un chrétien ne peut pas vivre sa vie comme un contrat qui finit sur la terre. Nous croyons en un Dieu qui nous appelle à la vie qui ne finit pas, qu’il faut construire chaque jour en s’y préparant dans les petites et grandes décisions que nous incarnons au quotidien. A quoi servirait d’aller dans les cimetières pour fleurir les tombes, prier pour les morts, continuer à aimer ceux qui sont morts ? A quoi servirait de parler aux morts, même aux saints … si nous pensons que tout s’arrête ici-bas ? Prier pour les morts, demander des messes pour eux, fleurir leurs tombes… tout cela témoigne que, même si nous ne savons pas concrètement comment cela se réalise, il y a la vie après la mort.
Telle est l’espérance chrétienne ! Certains peuvent se moquer de cette espérance. C’est dommage pour eux, et nous devons prier pour eux. Nous vivons un monde matérialiste qui pense que tout finit ici et maintenant ! Le matérialisme refuse l’au-delà. Même au temps de Jésus, des matérialistes idéologiques existaient déjà. Nous en avons un exemple éloquent dans cette secte des Saducéens qui mettaient leur espérance dans quelque chose de concret, de matériel… mais tellement éphémère.
Qui sont les Saducéens ? Les Saducéens sont une secte, parmi beaucoup d’autres, dans le judaïsme du temps de Jésus. Ils faisaient partie d’une classe puissante d’aristocrates, descendants du Prêtre Sadoq, celui qui avait sacré roi Salomon. C’est un groupe qui est traditionnellement attaché au pouvoir politique, qui influence les élections ou les nominations des gouverneurs, avec un fort pouvoir économique. Il est donc normal qu’avec un tel pouvoir politique et économique, les Saducéens s’attachent plus aux choses d’ici-bas qu’à celles du ciel. Leur mode de lire la Bible est particulier : les Saducéens ne lisaient que les 5 premiers livres de la Bible, c’est-à-dire, le Pentateuque ou la Loi de Moïse. Ils ne regardaient pas les livres prophétiques et sapientiaux… qui, comme par hasard, parlent un peu de la résurrection et de l’au-delà dans l’Ancien Testament. Ceci ne les intéressait pas !
Nous pouvons alors comprendre leur petit jeu ironique qui se moque de l’espérance quand ils s’approchent de Jésus avec une histoire ridicule. Une femme qui reste veuve sept fois, donnée en mariage à sept frères, sans avoir d’enfants !!!!! « Alors… Jésus, toi qui nous parles de la résurrection, de qui sera-t-elle l’épouse quand tous les 7 frères vont se retrouver là, devant elle, à la résurrection dont tu nous parles tellement ? » Le seul problème, c’est que les Saducéens ont en tête la conception pharisienne de la résurrection. Pour les pharisiens, en effet, la résurrection est conçue comme le prolongement de la vie terrestre. Et si tel est le cas, les Saducéens ont raison.
Pensez un moment à la résurrection comme prolongement de la vie présente. Ainsi, prenez, par l’exemple, une personne qui a beaucoup souffert sur la terre, quelqu’un qui porte toute sa vie une maladie, un handicap dont il a souffert pendant toute son existence, un enfant qui a souffert de la famine, et qui meurt de faim… et dire que la vie éternelle est le prolongement de la vie terrestre ! Donc, moi malade, handicapé, dépressif, malheureux, ma vie au-delà sera encore et éternellement la suite et la reproduction de toute la souffrance que j’ai vécue ici-bas ?
Alors, Jésus invite ses interlocuteurs à lever les yeux. La vie éternelle n’est pas le prolongement de la vie terrestre avec ses joies et ses peines. La vie éternelle est une nouveauté radicale dans laquelle nous nous reconnaîtrons véritablement en Dieu. Il ne s’agit pas de la réincarnation bouddhiste dans laquelle nous sommes continuellement recyclés, parfois en mieux, comme récompense, parfois en pire, comme punition, aujourd’hui en lion, demain en moustique, en souris ou en porc… Une telle conception me fait vraiment peur !
Le Seigneur Jésus nous appelle à croire en lui et à vivre dans l’espérance pendant notre vie terrestre car nous sommes créés pour la Vie qui ne finit pas. Le Dieu en qui nous croyons est un Dieu des vivants, non pas des morts. Alors, est-ce que nous croyons vraiment en un Dieu vivant ? Est-ce que notre vie actuelle est enracinée en ce Dieu de la Vie ? Croire en un Dieu des vivants, c’est vivre sa foi comme une recherche, une quête, non pas comme une routine fatigante, une douloureuse habitude, un désir ennuyeux…..
Croire en un Dieu des vivants, c’est vivre sa foi comme un élan d’amour à la rencontre de Dieu et de nos frères et sœurs en humanité. Oui, Dieu est vivant en moi si je m’élance à sa rencontre comme Zachée que nous avons contemplé dimanche dernier, si nous nous convertissons comme Paul après la rencontre du Christ sur le chemin de Damas. Nous avons la chance d’avoir, dans l’histoire de l’Eglise une multitude de témoins de foi et d’espérance en ce Dieu des vivants, comme cette mère de la première lecture qui encourage ses enfants au martyre plutôt que de renier leur foi, comme ces nombreux martyrs chrétiens qui, aujourd’hui encore…sont victimes d’idéologies fondamentalistes de tout genre.
Le chrétien est vivant en Dieu chaque fois qu’il refuse de se laisser embrigader par toutes ces sirènes qui nous parlent de bonheur seulement si nous possédons, produisons, gagnons, séduisons….ici sur terre! Non, le chrétien est vivant et heureux vraiment quand il cherche Dieu, quand il pardonne…. bref, quand il aime car si nous aimons nos frères, nous sommes passés de la mort à la Vie. Que le Dieu des vivants affermisse notre espérance. Amen.