Mes chers frères et sœurs, chères catéchumènes Dalila-Cécile et Valentine-Catherine. En cette nuit pascale, permettez-moi de vous rappeler un triste constat : il nous arrive tous, baptisés d’hier et d’aujourd’hui, de croire et chercher encore un Dieu crucifié-mort. Nous agissons et vivons comme si Dieu était bel et bien mort. Notre relation avec Dieu – considéré comme mort- se résume ainsi à quelques visites liturgiques, de temps en temps, à Noël, à la Toussaint, aux Rameaux, à Pâques comme ce soir. Ces occasions plus ou moins ponctuelles sont pour nous une manière de mettre un peu d’aromates, de baume parfumé sur Dieu, nous évitant ainsi que son corps mort, torturé, ne se décompose et ne dérange notre tranquillité! Oui, Dieu dérange notre vie. J’ai l’impression parfois que certains chrétiens se comportent comme si notre Dieu était une sorte de momie, comme à l’époque des pharaons, et que nos églises n’étaient que des mausolées où l’on vient de temps en temps revivre le souvenir d’un Dieu qui, certes a vécu parmi les hommes, mais qui est désormais mort et absent dans nos quotidiens.
Ce soir, contemplons la foi pieuse et dévote de ces femmes qui vont compléter en cette nuit pascale le rite funéraire de Jésus mis à mort hier soir, le vendredi saint. Elles n’ont pas pu honorer tous les rites funéraires à cause du Sabbat. Désespérées et résignées, elles cherchent leur Maître mort dramatiquement et injustement, pour redonner un peu de dignité à son corps mort et torturé. Ces femmes ne peuvent penser une seconde que Jésus soit vivant.
Cependant, ces amoureuses d’un Dieu mort se trompent ! En effet, Jésus est déjà ressuscité. Il n’est plus au cimetière ! Son tombeau est vide ! Ces femmes qui nous représentent, doivent quitter, repartir, s’éloigner du tombeau, s’en aller loin de ce lieu des morts pour rejoindre Jésus là où il les attend. Elles sont venues pour un rite de mort mais elles doivent repartir « Annonciatrices de la Vie ». Jésus de Nazareth est bien ressuscité et vivant. Il ne s’est pas réincarné comme chez les bouddhistes ! Il n’est pas « réanimé » pour mourir quelques années plus tard, comme Lazare que nous avons contemplé pendant le Carême. La résurrection de Jésus est cette nouveauté de la foi chrétienne dont nous devons témoigner en vertu de notre baptême. Chères Valentine-Catherine et Dalila-Cécile, être baptisé, c’est être totalement plongé dans la mort de Jésus que nous avons célébrée hier soir, vendredi saint, à Labastide Saint-Sernin, mais pour renaître et vivre chaque jour avec Celui sur qui la mort n’a plus aucun pouvoir… et qui nous fait participer à la vie divine par le baptême. Jésus est vraiment ressuscité ! Il est vivant et se fait connaître à ses disciples incrédules et stupéfaits par des signes. Si nous lui ouvrons vraiment notre cœur, les fruits de sa résurrection rejailliront en abondance sur notre quotidien. Accueillir le Christ comme ressuscité change complètement notre vie car Il apporte sa lumière dans nos ténèbres.
Devant Jésus Ressuscité, nous pouvons nous identifier à deux catégories que l’évangile de ce soir nous présente : les saintes femmes et les gardes du cimetière. Les saintes femmes, nous représentent chaque fois que nous reconnaissons et suivons Jésus à travers les plaies et les blessures de notre vie personnelle, de notre histoire éprouvante et éprouvée, comme cette vieille mamie fatiguée par la maladie que je suis allé visiter en maison de retraite cet après-midi et qui a du mal à dire merci au Seigneur, tellement elle souffre dans sa corps malade ; dans cet homme veuf que j’ai croisé dans cette église cet après-midi, et qui a fondu en larme parce que la passion et la résurrection du Christ lui rappellent, par leur symbolique, la souffrance et la mort de sa chère épouse décédée il y a quelques années. Le Ressuscité est présent dans la vie de tous ces malades que nous avons rencontrés mardi dernier dans cette église, et qui, malgré les plaies, les maladies, le poids de l’âge, arrivent à nous bousculer par leur foi.
Ces femmes sont comme nous, disciples fragiles, sans force et incapables de rouler les nombreuses pierres qui sont à l’entrée de nos tombeaux ! Pensons à nos pierres intérieures, les drames vécus dans le passé, les erreurs commises dont nous traînons les conséquences parfois lourdes… Ces pierres représentent ce qui nous empêche de vivre en ressuscité en dépit de notre baptême. C’est alors que nous avons tous besoin, comme pendant la nuit de la résurrection, de la présence d’un ange qui descende pour s’asseoir sur ces lourdes pierres de notre vie et nous montrer le tombeau vide avec ces paroles rassurantes : «Vous, soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait ».
Mais, devant la résurrection du Christ, nous pouvons aussi être comme ces gardes du tombeau. Ils sont payés, comme Judas Iscariote, pour mentir et nier l’évidence. Pour ces gardes, la résurrection du Christ est devenue un problème qu’il faut résoudre en niant l’évidence. La foi chrétienne est devenue un problème pour certaines idéologies de la société actuelle tellement distraite, parfois féroce, arrogante, orgueilleuse mais décadente parce qu’elle nie l’évidence, se moque et humilie la foi, renie son histoire et refuse de reconnaître ses racines chrétiennes. Et pourtant, le Ressuscité n’est jamais un problème ! C’est Lui la solution à nos problèmes, même si nous devons passer par la mort du corps comme ces nombreux Coptes assassinés pendant qu’ils célébraient les Rameaux et le dimanche de la Passion. Un Copte d’Égypte disait ce matin, dans une interview à la radio que Jésus Ressuscité est leur seul Défenseur car il a vaincu le Mal et la Mort.
Mes chers frères et sœurs, chères Valentine-Catherine et Dalila-Cécile, vous disciples du Ressuscité, je voudrais vous souhaiter une Joyeuse Pâques :
Joyeuse Pâques à vous qui avez enduré le poids de la croix du deuil, de la maladie, de la précarité, de la solitude dans votre vie actuelle mais qui, malgré et contre tout, continuez à semer l’espérance et la lumière par votre foi et votre joie. Le Ressuscité est sortie du tombeau avec les marques de ses plaies, de son côté ouvert transpercé par une lance, des marques des clous… mais Il est bien vivant. Que le Christ nous donne de témoigner de cette espérance vivante malgré nos plaies !
Joyeuse Pâques aussi à vous qui vous sentez encore crucifiés au Golgotha, vous qui croyez que le Christ est mort une fois pour toute ! Le Ressuscité vous donnera la grâce de ressusciter à vous aussi, si vous osez lui parler comme le bon larron: « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. ». Nous entendrons nous aussi, du sommet de notre Golgotha, Jésus s’adresser à nous en disant : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » ( Lc23, 42-43). Il vous convertira à la Joie, après vous avoir converti à la logique d’un Dieu qui meurt avec nous et par amour pour nous.
Mes chers frères et sœurs, chères Valentine-Catherine et Dalila-Cécile ! Quittons rapidement nos tombeaux vides, car la mort n’a pas réussi à garder prisonnier Jésus Crucifié. C’est le message qui nous est confié. Le Christ est vivant, mais beaucoup de gens l’ignorent dans notre société. Il semble même que certains chrétiens l’aient oublié ! Nous devons ressusciter ! Valentine et Dalila-Cécile, dans le baptême, la grâce de la résurrection vous est totalement donnée ! A vous de la faire fructifier afin de transformer notre société assoiffée de vraie Vie. Jésus a confié la bonne nouvelle de sa résurrection à des femmes qui n’avaient même pas droit de parler en public ! Et pourtant, elles ont témoigné et grâce à elles, nous sommes là ce soir. A chacun de nous de jouer maintenant, là où il se trouve, dans son cercle de vie ! Ne cachons pas ce grand et beau trésor de foi que nous portons ! Alors, courage, vivons en ressuscités, parlons du Ressuscité… si nous voulons que d’autres personnes Le rencontrent.
Mes chers frères et sœurs, chères Valentine-Catherine et Dalila-Cécile qui allez être baptisées ce soir, nous tous qui oscillons entre la mort et la vie, entre le péché et le pardon, entre l’égoïsme et l’amour, entre religiosité de façade et foi vivante, prions pour que cette Pâques soit pour chacun de nous un séisme qui met en lumière nos duretés, nos fermetures, nos situations de mort spirituelle. Nous pourrons alors nous remettre en mouvement, nous ouvrir au prochain, croire en la force de la vie quand les épreuves paraissent trop grandes, pour devenir, à travers des gestes et des paroles simples du quotidien, messagers de la vie du Ressuscité vainqueur du Mal et de la Mort. Bonne Pâques à vous tous. Alléluia.