Journée mondiale des pauvres, homélie du 15 novembre (33è TO) de José Raisson, diacre : « S’il y a de la place pour les pauvres, il y a de la place pour tous. »

2020-11-15T23:54:13+01:0015 novembre 2020|

Écartons d’abord une fausse piste: Nous serions attristés avec cet homme qui n’a reçu qu’un talent, mais un talent pesait 26 kg de métal précieux, c’est le poids de 2 lingots d’or !

Pourquoi cette journée mondiale des pauvres, au jour de l’évangile des talents? Parce que nous avons tous des talents, tous y compris les plus pauvres. Le problème, c’est que leurs talents ne sont pas reconnus : on ne voit pas leurs richesses. Quels sont les talents des pauvres ? Je prendrai des exemples dans le passé pour ne gêner personne.

La première qualité des plus pauvres c’est en général la simplicité, on n’a pas besoin de beaucoup de protocole pour parler avec les pauvres, de leurs difficultés et des nôtres. Nous avons habité à Toulouse dans une rue où vivaient surtout des gitans, des manouches et des immigrés. Un jour je traverse la rue avec notre fille Marie Noelle handicapée, deux vieilles gitanes s’arrêtent et prient pour elle, dans la rue en posant la main sur son épaule : “Que Dieu bénisse votre fille !” Quelle simplicité ! Elles nous disaient également : “Vous aussi vous avez vos misères, vous êtes comme nous.”

Une autre qualité fréquente chez les plus pauvres, c’est le sens de la solidarité. Dans la cité, quand une famille avait obtenu un gros colis d’aide alimentaire, il partageaient… ils nous partageaient aussi leurs problèmes. Nous, nous aimerions nous débrouiller tout seuls, c’est une illusion, nous avons besoin les uns des autres. Mgr Mario Grech, nouveau secrétaire du Synode des évêques, est tout à fait dans la ligne du pape François, il dit : “La meilleure façon de faire l’expérience de l’amour chrétien est le ministère du service… La fraction du pain eucharistique et de la Parole ne peut se faire sans rompre le pain avec ceux qui n’en ont pas. C’est la diaconie. Les pauvres sont théologiquement le visage du Christ. Sans les pauvres, on perd le contact avec la réalité.” Jésus s’est fait pauvre pour habiter chez nous parmi les hommes, il s’est abaissé, il est venu sur la paille, on l’a tué comme un esclave. Et quand nous l’adorons, c’est dans sa présence pauvre, dans un morceau de pain !

Les personnes en difficulté se savent fragiles, elles n’ont pas de prétentions. Je partage souvent avec des personnes psychiquement fragiles, ils sont courageux d’accepter leur fragilité, malgré la honte qu’on leur inflige, parce qu’on les regarde avec méfiance. Et ce regard négatif, il blesse. La honte, ça peut tuer quelqu’un. Il est en échec et ne peut pas en parler, ou il ne sait pas lire, ou il est obèse, ou bien on se moque de lui au collège, ou bien il sort de prison, on se méfie de lui, ou bien on lui a répété qu’il était nul, qu’il n’arriverait à rien, ou bien il ou elle a été agressé, ou violé… il y a 1000 causes de honte et peu de personnes capables d’écouter, de sentir la difficulté de la personne. La maison de la Fraternité et le Service Évangélique des Malades ont prévu une journée de formation à l’écoute le 9 janvier, espérons qu’elle pourra avoir lieu.

Les pauvres ont parfois une grande confiance en Dieu, en la Providence, et ils ne jugent pas les autres, de même que les jeunes d’enfants, Jésus nous les donne en exemple. Dans nos réunions de personnes psychiquement fragiles je suis émerveillé de la qualité de l’écoute mutuelle, dans la compassion et le soutien. Ils nous apprennent à vivre la charité.

Les pauvres ont souvent une belle qualité d’accueil, d’hospitalité, comme le mouvement Welcome sur notre secteur, ou l’association Lazare. Personnellement j’ai déjà raconté mon accueil d’Antoine, SDF qui m’a fait connaître mon épouse Marie Lou, j’ai été récompensé ! J’ai des amis à Cognac, de la communauté de l’Arche. Leur paroisse est dans une ville riche, le prêtre n’arrivait pas à leur faire échanger la paix. Mais voilà que des personnes handicapées mentales sont venues à la messe. Elles ont embrassé tout le monde, et depuis… les paroissiens se sont donné la paix les uns les autres. Ces personnes handicapées mentales ont une richesse de cœur dont le monde a besoin, mais on élimine 97% des personnes trisomiques qui sont détectées avant la naissance, quelle tragédie !

Ainsi, les pauvres sont indispensables pour que l’Église soit ce qu’elle doit être : simple, solidaire, accueillante à tous, à l’écoute des souffrants, compatissante, source de confiance et de croissance pour les plus faibles, lieu de partage et de service pour les plus forts comme les plus faibles. S’il y a de la place pour les pauvres, il y a de la place pour tous. Nous pouvons tous devenir pauvres de cœur, si nous accueillons leurs talents. Seigneur, appauvris-moi, que je t’accueille dans toute ma vie, toi qui mendies mon amour.

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