Notre ensemble paroissial accueille un réfugié

2018-01-28T20:13:01+01:004 août 2017|

“N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges”.(Hébreux 13,12)

Interview :

La crise migratoire n’en finit pas de faire la Une des journaux. Tout dernièrement c’est la déclaration du Président de la République qui ne veut plus que les réfugiés dorment dans le rue et annonce la création de 7 500 places(1) dans les Centres d’Accueil pour demandeurs d’asile entre 2018 et 2019. Les associations en réclament 40 000… Ici, sur notre ensemble paroissial Aucamville Saint-Loup Cammas, la crise a un visage. Celui de Luis, un jeune Angolais de 31 ans. Pour six mois, il a intégré le réseau Welcome créé par les Jésuites et est hébergé successivement par des familles d’ici, en attendant que sa demande d’asile soit examinée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Il nous raconte son histoire, sa galère mais aussi la joie de la rencontre et son espérance.

Q : Luis, pourrais-tu te présenter ?

Luis : je viens de l’Angola, j’ai 31 ans. Je suis père de trois merveilleux enfants et jusqu’à présent, je travaillais dans la logistique et le commercial.

Q : Sans entrer dans les détails afin de ne pas compromettre ta sécurité, est-ce que tu peux nous dire pourquoi ou comment tu t’es retrouvé si loin de chez toi ?

Luis : Il se passe dans la vie des événements qui échappent à notre contrôle et font que l’on se retrouve contraint de partir de chez soi pour espérer prendre un nouveau départ. Moi, je me suis trouvé au mauvais endroit au mauvais moment et pour avoir été témoin des agissements dégradants d’une classe politique corrompue de mon pays, me voici obligé de vivre loin de ma famille pour échapper aux représailles.

Q : Quel est le quotidien d’un demandeur d’asile en France ?

Luis : En un mot, je décrirais cette situation comme le parcours du combattant, un parcours difficile qui demande beaucoup de persévérance et de force, sachant pourtant que son issue est incertaine. Entre complexité administrative,le manque de temps pour rédiger son récit,le regard discriminatoire de la part des autorités et les problèmes de logements c’est une lutte pour la survie.

Q : Qu’est-ce qui t’a motivé pour intégrer le réseau Welcome sachant que l’hébergement ne dure que six mois et qu’il se fait de famille en famille c’est-à-dire avec beaucoup de changement pour toi…

Luis : J’ai accepté d’intégrer le réseau Welcome parce que ce réseau représente pour moi l’amour. Au regard du reflet de la société d’aujourd’hui et surtout occidentale, caractérisée par la peur de l’inconnu et le mépris, je me suis tout de suite senti aimé et protégé par un réseau qui ouvre ses portes à des personnes inconnues sans tenir compte de leur origine, de leurs problèmes, ni des raisons de leur exil. Je crois qu’il n’y a que l’amour qui puisse agir de la sorte.

Q : Quand tu changes de famille, qu’est-ce que tu appréhendes le plus ?

Luis : Ce que j’appréhende le plus c’est de savoir si j’ai été à la hauteur de tout l’amour que j’ai reçu de toutes ces personnes formidables qui chaque jour pendant un mois m’ont témoigné un amour inconditionnel. Donc j’ai toujours peur d’avoir pu blesser quelqu’un par mon attitude ou quoique ce soit. J’aimerais être sûr en quittant chacune de mes familles que j’ai su donner autant que j’ai reçu car je crois qu’il n’existera jamais de mot pour dire ma gratitude à toutes ces personnes.

Q : Tu as déjà fait la connaissance de cinq familles ici sur notre ensemble paroissial : qu’est-ce que tu retiens de cette formule ? Qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?

Luis : J’ai vécu des mois formidables, entouré de personnes aussi différentes les unes des autres mais au fond animées par le même esprit et c’est cet esprit et ce don du ciel qui m’a marqué. L’amour, c’est ça que je retiendrai toujours de cette expérience. Et je ne saurais assez remercier toutes ces personnes qui dans mon cœur auront toujours une place de choix. Et moi j’emporte pour la vie une partie de chacun qui va nourrir ma pensée.

Q : Est-ce que tu arrives à te projeter dans l’avenir ? Qu’est-ce qui te tient le plus à cœur ?

Luis : En dépit de tout ce que je vis aujourd’hui je n’ai pas cessé un instant de me projeter vers l’avenir et je crois que cette expérience m’a aidé à garder espoir et à aller de l’avant. Si j’avais été dans un centre d’hébergement de l’État je ne crois pas que j’aurais le même regard sur la vie et l’avenir…

(1) http://www.la-croix.com/France/Immigration/INFOGRAPHIE-Ou-sont-situes-centres-d’accueil-demandeurs-dasile-France-2017-08-02-1200867299