La béatification des 19 martyrs d’Algérie : un signe pour notre marche vers Noël

2018-12-07T20:23:08+01:007 décembre 2018|

19 martyrs d’Algérie sont béatifiés ce 8 décembre 2018 à Oran, lieu de ma naissance. Les plus célèbres d’entre eux, les moines de Tibhirine ont été assassinés quelques semaines avant mon ordination. C’est dire que cet événement me parle fort.

Mais il parle à toute l’Église en ce temps de l’Avent : en témoigne le frère Henri Vergès, assassiné en 1994 : A la question : pourquoi rester à Sour-El Ghozlane ? Le frère Henri Vergès répond : « Parce que ma vocation mariste est particulièrement adaptée à cette présence enfouie, d’humble service, ancrage des fondations sur quoi va reposer l’avenir, dans ce pays jeune, avec Marie, elle aussi présente au cœur de l’Islam ». Il ajoute dans un autre texte : « Avec Jean-Baptiste, Marie nous semble très proche de notre manière d’être présents, comme Église, en Afrique du Nord, un peu comme si nous vivions avec elle l’Avent de Dieu ».

Vivre l’Avent de Dieu… vivre dans l’espérance de sa venue : comme l’a expliqué un autre futur martyr, Christian de Chergé, prieur de Tibhirine, parlant d’Henri Vergès : « Sa mort me paraît si naturelle, si conforme à une longue vie tout entière donnée par le menu. Il me semble appartenir à la catégorie de ceux que j’appelle « les martyrs de l’espérance », ceux dont on ne parle jamais parce que c’est dans la patience du quotidien qu’ils versent tout leur sang. »

Ce sang des martyrs parle à nous qui vivons cette patience du quotidien, mais il parle aussi à tous, en ce temps de troubles, parce que ces témoins d’une période très troublée nous proposent une vie de respect, de paix et de fraternité entre les peuples et entre les religions. C’est pourquoi «L’Église offre à notre Église et à notre monde, dix-neuf de nos frères et sœurs comme modèles pour notre vie de disciple aujourd’hui et demain», explique Mgr Desfarges, évêque d’Oran. Comme l’a dit sœur Paul-Hélène peu de temps avant sa mort : « Père, nos vies sont déjà données ». Leur vie était donnée à Dieu et au peuple auquel l’amour les avait liés. Nous pouvons les prier tous ensemble pour demander une grâce de fidélité pour notre Église dans sa mission. Ils ont scellés dans notre peuple une fraternité dans le sang versé. Leur vie a été prise en même temps que celle de milliers de leurs frères et sœurs algériens qui, eux-aussi, ont perdu la vie en choisissant de rester fidèles à leur foi en Dieu, à leur conscience et par amour de leur pays. Parmi eux il y eut 114 imams qui sont morts parce qu’ils ont refusé de justifier la violence. Nous n’oublions pas non plus les 12 frères Croates qui ont été égorgés parce qu’ils étaient chrétiens. Le groupe venu pour les prendre, après avoir pris les douze premiers, s’arrêta ensuite dans une autre pièce. Le premier interrogé déclara : « Je suis bosniaque et musulman ». On lui demanda de le prouver en prononçant la shahâda (profession de foi musulmane). Ce qu’il fit et il ajouta en montrant ses collègues : « Ici tous musulmans ! » Or, parmi eux, trois étaient chrétiens. Ceux-ci furent ainsi épargnés. Les frères de Tibhirine, dans une tribune (Si nous nous taisons les pierres de l’oued hurleront) du 22 janvier 1994, écrivaient : « Or les trois autres étaient chrétiens. C’est donc à leur compagnon musulman qu’ils doivent d’avoir pu retourner vivants dans leur pays. Un verset coranique dit : « …et celui qui sauve un seul homme est considéré comme s’il avait sauvé tous les hommes » (Coran 5, 23). Cela nous ne pouvions le taire ».

Cela aussi je ne pouvais pas le taire : ils sont plus nombreux les hommes et femmes de bonne volonté que les fanatiques religieux et les casseurs de tous bords : alors dans la nuit de Noël, si nous sommes des hommes et de femmes de bonne volonté, nous entendrons nous aussi : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! » (ancienne traduction de Luc 2, 14).

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